Les Chroniques de l'Imaginaire

Un chien d'Enfer - Herbaut, Maxime

Félix et Ambre viennent d’assister à une représentation de Don Giovanni, de Mozart, donnée à l’opéra de Lille. Les deux amoureux débattent du destin du personnage principal et se chamaillent gentiment en rentrant vers leur maison, de nuit. Soudain, une tâche blanche apparaît au bord de la route, une embardée et voilà leur voiture dans le fossé.

À son réveil à l’hôpital, la vie de Félix a basculé. S’il s’est bien tiré de l’accident, Ambre n’en a pas réchappé. Il découvre ainsi qu’un chien s’est invité dans sa chambre d’hôpital. Un chien, qu’en état de choc, Félix va ramener chez lui et adopter. Un chien qui semble posséder des facultés très éloignées de celles de ses congénères canins.

Un chien d’Enfer mêle plusieurs intrigues. On suit principalement les déboires de Félix dans sa nouvelle vie avec son compagnon canin. Mais on assiste aussi aux aventures de Don Giovanni qui, entraîné aux enfers à la fin de l’opéra de Mozart, se trouve dans ce roman à les arpenter et à s’interroger sur la suite à donner à son existence. Même s’il est toujours mieux d’être familier de l’opéra, cela n’est pas nécessaire. L’opéra se basant sur l’histoire de Don Juan, ses éléments principaux sont suffisamment présents dans l’imaginaire collectif pour que le néophyte ne se sente pas trop perdu.

Des épisodes de Chien et Chat, personnages de dessins animés s’affrontant de manière violente, parsèment aussi le récit, de même que des extraits d’un ouvrage consacré aux démons.

Tous les éléments convergent à mesure que l’histoire de Félix se déroule. Les épisodes de Chien et Chat parleront à tous les amateurs de cartoon, les passages de l’ouvrage de démonologie fournissent des informations utiles à la compréhension de l’histoire de Félix mais ce sont les passages en compagnie de Don Giovanni que j’ai préférés. J’ai particulièrement aimé la scène, certes clichée mais toujours aussi percutante, du jeu d’échecs contre un avatar de la mort ou du diable, à la Ingmar Bergman.

Si la nature du chien, annoncée dès le titre, laisse peu de place au doute, on se demande en revanche quelle sera l’issue pour Félix. En effet, l’intrigue qui lui est consacrée est emplie de plusieurs rebondissements, métamorphosant chaque fois l’expérience de lecture et brouillant au passage les pistes sur la nature du dénouement. Le rythme est bien trouvé. À peine a-t-on trouvé une allure de croisière qu’une révélation vient changer la donne. On s’interroge parfois sur le passage du temps, certains événements étant bien détaillés, puis plusieurs années passées en quelques paragraphes. Mais tout cela constitue en réalité d’autres indices de ce qui se joue pour Félix après l’accident. Ces choix narratifs au sein de l’intrigue propre à Félix trouvent, comme la présence des intrigues secondaires, tout leur sens en fin d’ouvrage.

Autre point, positif, on alterne entre des passages assez sombres, des thématiques poignantes - comme la mort, le deuil, la dépression - et des passages humoristiques, des dialogues mordants, des péripéties farfelues.

Ainsi Un chien d’Enfer est un ouvrage efficace, qui joue à égarer ses protagonistes et ses lecteurs encore et encore pour mieux les surprendre.