Habituellement, on attend d'être à l'université pour se former à la survie en milieu étranger et hostile, mais Rod Walker a choisi de le faire dès le lycée, avec son ami Jimmy Throxton. La veille de leur départ, la possibilité leur est offerte de renoncer à effectivement passer le portail qui les enverra pour un maximum de dix jours sur une planète inconnue, aux dangers tout aussi inconnus. Rod décide de persévérer, même si son professeur lui-même a essayé de le convaincre de ne pas partir.
L'adolescent comprend pourquoi peu après le portail passé, quand la quasi-totalité de ce qu'il avait emporté pour l'aider à survivre lui est dérobé, après qu'il a été assommé et laissé à la merci des prédateurs. Il survivra mais il a appris sa leçon, et n'est pas près de faire confiance à un autre humain. Il est bien conscient toutefois que la coopération est aussi un facteur de survie. Aussi, après s'être allié à Jackie, et avoir retrouvé Jimmy, il accepte l'idée de regrouper les survivants du groupe qui a passé le portail. En effet, il est clair que les choses ne se sont pas déroulées comme prévu, car la date limite fixée pour leur rappel est passée depuis longtemps.
Peu à peu, les autres "naufragés" arrivent. Bien sûr, tous ne sont pas d'accord sur la façon dont il conviendra de s'organiser à l'avenir, et le fait que Rod fasse partie des plus jeunes ne l'aide pas à faire triompher ses vues auprès de garçons plus âgés et plus informés que lui. C'est ainsi que Grant Cowper est élu dirigeant de leur communauté.
La parution de ce roman, inédit jusqu'alors en français, est bienvenue à plus d'un titre. Elle montre d'abord que l'oeuvre de Robert Heinlein n'a rien perdu de son actualité, au moins pour certains thèmes. En effet, la réflexion sur la tension entre la nécessité d'action immédiate et les impératifs de la mise en place de lois qui réglementent ladite action est plus que jamais actuelle. D'autre part, cette parution remet sur le devant des rayonnages un auteur certes "classique", puisqu'il fait partie, avec Asimov et Clarke, des "Trois Grands" (américains...) de la SF, mais qui peut être oublié, ou en tout cas négligé par les jeunes générations.
On retrouve ici les thèmes qui sont familiers aux lecteurs de l'auteur : la nécessité de l'action commune, même si elle est guidée par une personne exceptionnelle, la lutte de l'homme contre une nature sauvage, voire hostile, sous-tendue par le mythe très américain de la Frontière, et enfin la profonde conviction que tout cela doit être encadré par un corpus législatif énoncé au cours d'un processus démocratique. De ce point de vue, on pourrait dire que ce roman n'apporte pas grand-chose.
Je pense toutefois qu'on aurait tort de se priver de sa lecture, car il est agréable à lire, on ne s'y ennuie pas une minute, l'équilibre est maintenu entre le sérieux et l'humour, comme entre les personnages féminins et masculins, ou entre l'action et les moments plus calmes, et il constitue - surtout pour des lecteurs adolescents ou jeunes adultes - une très bonne porte d'entrée dans l'univers de l'auteur. Et puis honnêtement, quel est le lecteur de SF digne de ce nom qui renoncerait à découvrir un nouvel Heinlein ?! Même si la nouveauté ne concerne que la traduction, ce n'en reste pas moins un roman inconnu jusqu'à présent, du moins dans notre pays, et excitant à ce titre.