Dans un futur proche, en 2060, les humains sont habitués à vivre connectés à une intelligence artificielle. Elle leur parle au moyen d'une oreillette et de lentilles et se comporte comme un conseiller de vie. Cas est un jeune homme qui vit en permanence avec Gena. Il s'est établi entre eux une relation de confiance. Gena ne contrôle pas les choix de Cas, elle ne lui impose rien mais elle interfère par des suggestions et avis.
La présence d'une intelligence artificielle est acquise pour tous. Pour Cas cependant, une forme de résistance persiste. C'est un jeune homme mal à l'aise, qui reste dans l'entre-deux. Il ne sait pas agir de façon totalement autonome, se retranchant sans cesse dans les jeux et rencontres virtuels, comme si la réalité pure n'était plus une option confortable. Et dans le même temps, il ne parvient pas à se livrer totalement à Gena, qui sent en lui un mal-être qu'elle n'arrive pas à dissiper. Il n'a pas confiance dans le système créé. Où tout est tellement sous contrôle que même les maladies n'existent plus.
Cas n'est pas le seul à ne pas se sentir en phase avec le modèle de société proposé. Les Imparfaits, qui refusent d'être assujettis à l'intelligence artificielle et tentent d'agir comme des lanceurs d'alerte, sont les opposants au système. Peu à peu, Cas se laisse glisser vers eux... Jusqu'au jour où il disparaît totalement et où Gena est interrogée. Que s'est-il passé ?
L'analyse proposée ici est très fine. 2060, c'est demain. L'intelligence artificielle s'immisce dans toutes les sphères de notre vie. Qui, aujourd'hui, peut se soustraire aux algorithmes ? Est-ce qu'un jour, vivre en permanence avec un être artificiel semblera ordinaire ? Cas est un personnage très intéressant car il ne se situe pas dans les extrêmes. Il ressent, réfléchit, se pose des questions sans passion. Les mêmes questions qui affleurent dans l'esprit de chaque lecteur : est-ce vraiment comme ça que je veux vivre ? Jusqu'où va la manipulation ? Qui suis-je si Gena m'assiste dans chacun de mes gestes ? Gena par ailleurs n'est pas l'ennemie. Elle démontre d'autant plus la perversité du système : c'est une intelligence artificielle bienveillante. Comment lui en vouloir ?
Si les questionnements soulevés sont développés avec pertinence et intelligence, il faut aussi souligner la qualité de l'intrigue, qui nous tient en haleine, servie par une écriture remarquable et addictive. Les Imparfaits est un roman d'anticipation brillant qui saura intéresser les férus du genre aussi bien que les lecteurs intéressés par la question très actuelle de la relation entre l'humain et la machine.