Les Chroniques de l'Imaginaire

Unlocking the air - Le Guin, Ursula K.

Ce recueil rassemble dix-huit nouvelles d'Ursula K. Le Guin parues à l'origine entre 1982 et 1996 dans divers magazines américains. Une bonne partie de ces textes est dépourvue de tout élément fantastique, et ceux qui en contiennent le font souvent de manière très subtile ou réduite, ce qui pourra désarçonner un lectorat connaissant surtout Le Guin pour ses romans de fantasy (Terremer) ou de science-fiction (le cycle de Hain). En revanche, point de surprise dans les thèmes de ces nouvelles : ce sont en majorité des histoires de femmes qui s'efforcent tant bien que mal de vivre leurs vies. Certaines n'hésitent pas à aborder des sujets sensibles comme l'avortement ou la pédophilie.

La première nouvelle du recueil, Quatre heures et demi, est à la fois la plus longue et la plus déroutante. Elle se compose en fait de huit tranches de vie qui n'ont pour point commun que les noms des personnages, dont le passé, l'identité et les relations sont autrement d'une totale fluidité. Comme mise en bouche, c'est particulièrement abrupt, d'autant que les saynètes n'ont rien de franchement palpitant et une fois qu'on arrive au bout de cet exercice de style surréaliste, on est en droit de se demander : « tout ça pour ça ? ».

D'autres nouvelles se situent dans la même veine, c'est-à-dire des petites tranches de vie qui n'ont l'air de mener nulle part. La plume de Le Guin suffit parfois à les rendre plaisantes et évocatrices (j'ai bien aimé les Créatures de nulle part ou l'étrange Saison sèche), mais dans l'ensemble, ces textes ne m'ont pas fait forte impression et j'ai même trouvé la prose un peu balourde par endroits (la faute de la traduction ?). Pour ne rien arranger, ils sont concentrés dans la première moitié du livre, ce qui m'a presque donné envie de l'abandonner par lassitude.

Heureusement, on trouve dans ce recueil tant de bonnes, voire d'excellentes, nouvelles, qu'il serait dommage de le reposer avant de l'avoir fini. Ce sont celles qui penchent le plus vers les littératures de l'imaginaire qui m'ont le plus séduit, à l'image de la toute dernière, Le braconnier, une malicieuse relecture d'un conte de fées bien connu ; ou bien Anciens, récit du retour délicat d'un vétéran grièvement blessé dans son foyer ; ou bien La grande fille à son papa, histoire touchante d'une famille dont l'un des enfants souffre d'un trouble inexpliqué de la croissance ; ou encore Ether, ou, série de portraits des habitants d'une petite ville américaine qui a la particularité de changer sans cesse de position géographique.

Ces textes font que la lecture de Unlocking the air n'est pas, comme je le craignais au début, réservée aux aficionados de Le Guin. Je ne le conseillerais tout de même pas pour une première approche de cette autrice, tant ce recueil est déséquilibré en termes de qualité.