Les nouvelles contenues dans ce recueil se répondent en une spirale très agréable à lire. Il s'agit de :
Mosquito toast : alors que Navarre rissole dans le désert mexicain à la poursuite de Gilles, il est kidnappé. Cette ouverture plaisante donne le ton, et le lectorat familier de l'autrice retrouvera avec joie l'un de ses personnages favoris.
L'ogre de ciment : en s'enfuyant après la tournante dont elle a été victime, Yasmin tombe de Charybde en Scylla. Quoique... Le mélange de fantastique et de dénonciation sociale fonctionne bien, tout comme l'idée qu'à chaque peuple le surnaturel que ses traditions lui permettent de voir.
Mémorial : Selima est attirée par le monument, même si elle n'a aucune idée de ce qu'il commémore. J'ai beaucoup aimé cette fascinante histoire de traumatisme et de non-morts, qui rappelle au passage une histoire trop oubliée.
Le sceau d'Alphonse : Alphonse ne sait pas quoi faire du "cadeau" braillard que son serveur lui a rapporté. Heureusement, ledit serveur connaît Deborah, et d'autres gens utiles. Dans cette belle histoire fantastique, on retrouve certains des personnages apparus dans la précédente, avec l'ajout bienvenu d'un loubard sur le retour aussi attendrissant que grognon.
Jingle Hells : le vieil Alphonse ne peut pas laisser de jeunes loubards qu'il a vu naître faire des conneries le soir du réveillon de Noël sans intervenir. Une suite sympathique aux nouvelles précédentes, dont on retrouve les personnages principaux.
Eschatologie du vampire : Navarre n'aime pas du tout être requis pour un assassinat, de surcroît avec une elfe, surtout compte tenu de l'identité de la cible, et des contraintes associées. On y retrouve les personnages des nouvelles précédentes, quelque temps plus tard, avec les "nourrissons" bien grandis, et avec le personnage récurrent du vampire Navarre, ce qui fait de la fin un choc.
Saint Valentin : elle a toujours voulu une vie normale, parce qu'être mariée à un serial killer de créatures féeriques après avoir été une enfant soldate, honnêtement, ça craint. Et elle verra son souhait exaucé. Hélas. Dans cette nouvelle drôle qui illustre bien le fameux "Prends garde à ce que tu souhaites, tu pourrais l'obtenir", on retrouve l'ogre du deuxième texte.
Le blues du vampire le soir au-dessus des paraboles : dans ce monde où plus rien ne fonctionne, le Royaume aussi se meurt, et Navarre est prisonnier. Mais Yaz' a besoin de lui, et n'oublie jamais ses amis, ni ses propres dettes, malgré les apparences. Le mélange de genre entre post-apo et fantastique est sympa, et le retour de l'ogre dans un rôle plus actif est très bienvenu, surtout pour celleux qui, comme moi, avait été frustré.e.s par ce qui lui était arrivé précédemment.
Gilles au bûcher : Un hiver nucléaire après, Gilles est toujours là, avec les générations humaines qu'il a élevées / élève dans l'intervalle. Une romance morbide à travers le temps et la légende, dans un univers qui évoque Le silence de la Cité.
Même si les textes présentés sont à mon avis de qualité inégale, le recueil dans sa globalité est très plaisant. On y retrouve le thème déjà abordé dans la trilogie Testament de la responsabilité de l'être humain dans un monde dont les dieux, et autres créatures surnaturelles, ont disparu. L'évolution de l'univers dans lequel se déroulent les nouvelles, avec les dates qui figurent en en-tête de certaines, pour être sombre, ne manque pas de réalisme, malheureusement, que ce soit sur le plan socio-économique ou écologique.
En somme, un recueil de bonne facture, dans le droit fil des oeuvres précédentes de Jeanne-A Debats, et dans lequel son lectorat la retrouvera telle qu'en elle-même.