Dix-neuf ans, c'est tôt, dans la vie, pour ne plus avoir de parent... C'est malheureusement ce qu'a eu à vivre Jane, lorsqu'elle avait cet âge, avant d'aller habiter chez son oncle, tatoueur de son état. Pour autant, c'est l'âge où on commence à sortir et à rencontrer des garçons. Et c'est aussi à cet âge que Jane est tombée enceinte, sans doute quelques années trop tôt pour que cela se passe bien...
A présent Jane est une femme indépendante, qui a pile entre la trentaine et la quarantaine. Elle vit dans une petite ville proche de la mer, et elle tient une petite boutique, où elle fait et vend de succulentes gaufres. Les affaires ne sont pas trop mauvaises, même si cela dépend du temps, et elle se débrouille aussi souvent pour boire un coup de rouge dans le bar local, en échange de gaufres...
Et c'est dans ce bar que Jane fait la rencontre d'Emma : la jeune ado y travaille régulièrement comme serveuse, alors que sa mère s'échine comme elle le peut en cuisine. Mais la mère d'Emma souffre d'un syndrome de Tourette. Régulièrement, elle se met à jurer comme une marchande de poissons. Cela a le don de faire rire la clientèle et le patron du bar, mais Emma en souffre, de plus en plus...
Et puis, il y a Jack, ce beau brun ténébreux qu'Emma n'ose pas aborder, au lycée. Les choses sont sur le point de changer, puisque Jane propose à Emma de travailler avec elle. En commençant par lui apprendre à cuire les gaufres correctement. Peu à peu, une complicité nait entre Jane et Emma. Et si Emma devient moins timide, osant enfin parler à Jack, elle souhaite maintenant savoir ce qui s'est passé dans la vie de Jane...
Après La dame de fer, paru chez Futuropolis en 2017, Michel Constant et Béatrice Constant (aux couleurs) remettent le couvert chez le même éditeur avec ce Lady Jane, one-shot encore une fois aux accents très british. Avec cette nouvelle tranche de vie, l'auteur met en lumière les injustices autour de la loi Children Act, votée sous Margaret Thatcher et encore d'actualité de nos jours. Une loi qui permet à l'état de retirer les enfants de leurs parents beaucoup trop facilement...
Jane s'est retrouvée à devoir vivre avec cela, évidemment, et l'auteur nous fait assister à sa reconstruction, avec cette relation avec Emma, une ado qui aurait le même âge que l'enfant que Jane n'aura pas pu garder... Le récit est beau, sensible. Michel Constant nous raconte une tranche de vie avec laquelle il est à l'aise sur le plan narratif, et cela fonctionne parfaitement ici, tant il est difficile de lâcher ce one-shot avant sa conclusion.
Comme pour La dame de fer, les dessins sont très réussis : les personnages sont immédiatement attachants, les expressions sur les visages sont soignées au possible, et les couleurs discrètes, permettent une lisibilité sans accroc. Lady Jane est un one-shot parfaitement réussi, que l'on ne peut que mettre entre un maximum de mains, tant le sujet mérite d'être découvert par le plus grand nombre de lecteurs.