Alors qu’il sort de chez lui, l’inspecteur Hugo Boloren tombe sur un journal régional daté de la semaine précédente et ouvert en grand sur un article qui mentionne un meurtre survenu à Douve.
Douve… Ce nom monosyllabique ne lui est pas inconnu. Il l’a même entendu plusieurs fois dans la bouche de ses parents lorsqu’il était enfant, notamment lors d’une dispute qui restera pour toujours imprimée dans un coin de son cerveau. Hugo Boloren revoit alors son père lâcher à sa mère, dans un cri aigu et violent, « Jamais je n’oublierai Douve », avant d’ajouter à l’adresse de son fils « Le gamin a Douve dans les veines ! ».
Saisi d’une impression d’épouvante, le jeune Hugo cherche à comprendre. À la bibliothèque de son quartier, on lui rétorque que Douve est un village. Mais pas n’importe lequel puisque l’unique ouvrage qui en parle a été écrit à l’occasion d’un sordide fait divers autour d’un meurtre intrafamilial, par une journaliste, qui n’est autre que sa propre mère.
Quarante ans plus tard, voilà que ce village hors du temps se rappelle à lui. À l’inverse de sa mère dont la mémoire se délite chaque jour davantage, Hugo Boloren n’a jamais oublié Douve. Après avoir prévenu son supérieur, il décide de partir sur les traces de son père afin d’élucider une bonne fois pour toutes les mystères et les secrets qui le lient à ce village et à ses habitants.
Véritable roman d’atmosphère, Douve est un de ces polars que je verrais bien être adapté sur le petit écran. Avec une intrigue à tiroirs, où chaque fil démêlé plonge l’histoire dans une autre histoire, Victor Guilbert nous mène par le bout du nez.
Rencontré dans le cadre du festival des Quais du Polar à Lyon, l’auteur m’avait promis, sans trop en dévoiler, « qu’à Douve, même si on tue et qu’il pleut, les cocktails y sont incomparables ! ». Et pour cause, Hugo Boloren passe le plus clair de son temps entre le comptoir du bar de l’hôtel et la forêt environnante.
Mais quelle forêt ! C’est là à mon sens que résident toute la beauté et la réussite du livre. Douve, ce « hameau terne et marécageux planté au bout d’une route de campagne dont la traversée ne mène nulle part ». Un village entouré d’une forêt hostile, sombre et humide. Des sapins trop hauts à perte de vue qui donnent l’impression de suffoquer sous le poids de l’Histoire et de ses non-dits. Des habitants aux réactions quasiment primaires qui ensemble ne font plus qu’un. Un clan pourtant gangrené par le mensonge mais une meute prête à tout pour défendre l’un des leurs.
Entremêlant suspense et humour grinçant, Victor Guilbert joue avec nos nerfs, souffle le chaud et le froid, pour à peine nous laisser le temps de reprendre le nôtre, dans cette chasse à l’homme dont le seul défaut est d’aboutir à une fin quelque peu précipitée.