À la fin du XXIe siècle, Paige vit une existence clandestine à Scion-Londres. Depuis plusieurs siècles déjà, les personnes clairvoyantes, dotées d’un lien avec le paranormal, sont qualifiées d’anormales et pourchassées. Paige a eu la chance d’échapper aux contrôles et de rejoindre la pègre surnaturelle. Au sein du clan de Jaxon, elle met à profit son talent unique en échange d’une protection.
Sept ordres coexistent en effet parmi les clairvoyants et Paige fait partie de l’un des plus puissants et des plus rares : elle est marcherêve, ce qui la rend d'autant plus convoitée. À la différence des devins qui ont besoin d’objets pour communiquer avec l’éther ou encore des chuchoteurs qui peuvent canaliser l’éther, Paige peut influer sur lui pour entrer dans l’esprit d’autres personnes.
Cependant, la chance tourne pour Paige. Alors qu’elle a fait usage de son pouvoir d’une manière inédite et violente pour échapper à une patrouille, elle est capturée et envoyée dans la ville d’Oxford. Là, elle découvre que la ville, isolée depuis plusieurs siècles, a été transformée en camp d’emprisonnement pour clairvoyants et est dirigée par des créatures humanoïdes venues d’au-delà de l’éther. Ces êtres, les réphaïms, sont en lutte contre d’autres créatures, surnommées Ronfleurs, se repaissant de chair humaine.
Comme tous les humains captifs, Paige est placée sous l’autorité d’un réphaïm qui doit la former à se battre contre les Ronfleurs. La jeune femme est dès lors partagée entre plusieurs envies : libérer les humains du carcan imposé par les réphaïms, protéger l’humanité contre les Ronfleurs mais aussi en apprendre plus sur ses propres facultés. Pour ne rien arranger, Arcturus, son mentor réphaïm, est loin d’être aussi violent que ses pairs mais s'avère tout aussi séduisant.
Saison d’os est le premier tome de la série Bone Season. Commençons par évacuer les points qui fâchent. On y retrouve bon nombre d’éléments déjà vus ailleurs, comme par exemple une société totalitaire opprimant une minorité, malgré des poches de résistance. Plus gênant, avec son pouvoir immense et unique, sa sélection par un réphaïm ne prenant jamais d’élève et le rôle central qu’elle va jouer dans le récit, l’héroïne ne peut échapper au qualificatif de Mary Sue, qu’on utilise pour désigner un personnage à la destinée grandiose, aux qualités excessives et aux faibles défauts. Bien que cela se retrouve souvent dans les œuvres de fiction, cela m’a davantage gênée dans cet ouvrage car Paige semble ne pas avoir son pareil pour réussir presque tout ce qu’elle entreprend. À cela s’ajoute une romance quelque peu bancale : rien dans les interactions entre les deux personnages concernés ne laissaient supposer une attirance ou qu’une romance allait se développer. Or, j’étais persuadée dès l’introduction du personnage masculin beau, ténébreux mais incompris qu'il allait être utilisé pour introduire une romance. Pourquoi ? Parce que c’est un autre cliché du genre. Et malheureusement, j’avais raison.
Et pourtant, malgré ces points négatifs, Saison d’os laisse présager une bonne série d’ouvrages. On y découvre un univers uchronique, peuplé de créatures surnaturelles bien connues comme les poltergeists ou les fantômes mais aussi plus énigmatiques comme les réphaïms et leurs terribles ennemis. N'allant ni vers le véritablement fantastique, ni vers la SF ou le steampunk, Samantha Shannon s’inspire de différents courants pour conférer à son ouvrage une atmosphère bien à lui. Si elle tombe dans les clichés avec son personnage principal et l’aspect romance, elle parvient néanmoins à créer un grand nombre de personnages secondaires convaincants, pourvus de leur propre arc narratif. Elle sait également parfaitement entretenir le suspense sur le déroulé de l’intrigue. La création de différents ordres de clairvoyants est utilisée à bon escient tout au long du récit. Les scènes d’action sont de vrais moments de régal : bien écrites, riches en émotions, efficaces.
L’ouvrage se conclut par La rêveuse pâle, une nouvelle survenant avant les événements du premier tome, alors que Paige débute sa carrière dans la pègre des clairvoyants. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ces pages qui évitent les écueils mentionnés plus hauts, notamment celui de l’héroïne parfaite, tout en enchaînant les scènes d’action et surtout qui nous font découvrir un Londres peuplé de créatures surnaturelles. Cette nouvelle conclut joliment l’ouvrage en donnant envie de se plonger dans la suite de la série.
Pour résumer, Saison d’os oscille entre éléments un peu clichés et éléments plus intrigants. On lui pardonne volontiers quand on sait qu'il s'agit d'un premier roman, ce qui autorise tout de même quelques balbutiements. En effet, des personnages secondaires bien développés et des scènes d’action travaillées font pencher la balance du côté positif et confèrent un véritable plaisir de lecture. Il ne reste qu’à espérer que le tome suivant s’affranchisse des quelques points négatifs cités plus haut et développe davantage la singularité de l’univers dépeint par Samantha Shannon.