Nicolas de Condorcet, philosophe politique des Lumières, a un temps occupé la scène durant la Révolution. Chargé d’élaborer la première Constitution Républicaine de la France, il est comme tant d’autres penseurs de cette époque écarté du projet, poursuivi et, pour finir, jeté en prison, où il trouvera la mort. Nicolas de Condorcet est connu pour sa défense de l’égalité de droit et de l’instruction pour tous, pour ses positions contre l’esclavage et pour les droits des femmes. Les quatre textes rassemblés ici, présentés par ordre chronologique d’écriture, en fournissent une parfaite illustration.
Le premier texte est un extrait de la Lettre deuxième des Lettres d’un bourgeois de New Haven à un citoyen de Virginie, sur l’inutilité de partager le pouvoir législatif entre plusieurs corps. On l’y voit développer une argumentation scientifique, empruntant à la logique et la raison tout en se jouant des contradictions des débats de son époque, pour défendre l’égalité civique entre femmes et hommes. Cela n’a rien d’étonnant quand on sait qu’il fut membre de l’Académie des Sciences. Il s’agit pour moi de l’un des textes, si ce n’est du texte, le plus fort de ce recueil tant il démontre à la fois la rigueur du raisonnement de son auteur, la clarté de son style d’écriture et le modernisme de ses principes.
Le deuxième texte, Sur l’admission des femmes aux droits de cité, poursuit avec tout autant d’efficacité le raisonnement entamé dans le texte précédent.
Le troisième texte de ce recueil est un extrait du Premier mémoire des Cinq mémoires sur l’Instruction publique. Nicolas de Condorcet y milite pour l’éducation des femmes aux côtés des hommes en avançant encore une fois un certain nombre d’arguments, de la nécessité d’assurer l’égalité entre sexe et classes sociales à l’utilité sociale d’une instruction similaire entre femmes et hommes.
Enfin, le dernier texte et celui qui donne son nom au recueil, Conseils à sa fille, est aussi le plus personnel. Écrit quelques mois avant sa mort, Nicolas de Condorcet adopte un rôle d’ordinaire dévolu aux mères, celui de prodiguer des enseignements à sa fille. Leçon d’humanisme, il l’enjoint notamment à rejeter la dépendance, que ce soit financière – et donc à travailler si elle le peut – ou à autrui, à développer ses capacités propres et à faire montre d’empathie, non seulement envers les humains mais aussi envers les animaux. Je ne connaissais pas spécifiquement la pensée de de Condorcet et ai pris plaisir à découvrir ses textes. Alors que j’attendais à préférer son texte le plus personnel, c’était-à-dire la lettre à sa fille, ce sont au contraire ses textes plus politiques qui ont retenu mon attention.
En résumé, ce recueil offre une bonne introduction à la pensée de Nicolas de Condorcet en matière d’égalité entre sexe. Les lecteurs intéressés par la période révolutionnaire, la pensée politique en faveur de l’égalité ou plus spécifiquement par Nicolas de Condorcet mais intimidés par des ouvrages plus volumineux pourront s’y plonger sans crainte. La préface écrite par Laura El Makki et Nathalie Wolff rend les textes accessibles aux lecteurs néophytes. Une brève chronologie de la vie de Nicolas de Condorcet, habituellement présente dans les ouvrages de ce type, aurait peut-être été bienvenue. Comme toujours, on ne peut que se féliciter que le petit prix de la collection Folio 2€ encourage l’accès à tous de cette part de culture politique et philosophique française.
