Colonies est un recueil de nouvelles de Laurent Genefort qui, comme son nom l’indique, ont un environnement de prime abord commun : une colonie. Les nouvelles sont réparties en deux parties, cinq d’entre elles se rapportant à des colonies planétaires, les cinq autres à des colonies spatiales. Outre leur environnement colonial, on retrouve dans ces nouvelles des thématiques habituelles de l’œuvre de Genefort : l’interrogation du rapport à l’environnement, à la technologie, à la société. Le concept du livre n’est pas sans rappeler celui de Lum’en, paru en 2016. Cependant, ce dernier se concentrait sur les différents stades d’évolution d’une seule et même colonie située sur la planète Garance là où, à l’inverse, Colonies nous emmène à la rencontre de mondes bien différents. Et c'est heureux car l'un des grands points forts de l'auteur est justement sa capacité à créer d'autres mondes de toutes pièces !
La première partie, consacrée aux colonies planétaires, comporte les nouvelles suivantes : Le lot n°97, Le dernier salinkar, Le Bris, Je me souviens d’Opulence et Le jardin des mélodies.
Les trois premières nouvelles mettent en scène un protagoniste « déviant », contournant ou rompant franchement avec les règles en vigueur ou les mœurs de sa colonie. Dans Le lot n°97, un homme fortuné amateur d’art se prend de passion pour un artefact extraterrestre singulier, avec des répercussions pour le moins inattendues. Dans Le dernier salinkar, ce n’est pas pour l’art mais pour le dernier représentant d’une espèce locale que le héros va s’affranchir de certaines règles. Le Bris nous emmène à la découverte des descendants d’une expédition scientifique échouée sur une planète hostile, avec laquelle l’un des habitants est persuadé qu’il est possible de communier.
Je me souviens d’Opulence est une nouvelle plus contemplative. La vie du narrateur y défile sous les yeux du lecteur, cette fois entièrement intégrée à celle de la colonie.
Le jardin des mélodies est peut-être ma nouvelle préférée de cette partie. Le ton y est bien différent puisqu’il s’agit ici de suivre le représentant des autorités d’une petite colonie tranquille, confronté malgré lui à une affaire plus importante que de coutume. La nouvelle n’est pas sans rappeler l’un des textes bien connu d’Edgar Allan Poe, quoique de manière singulièrement plus poétique – impossible d’en dire plus sans tout dévoiler !
La seconde partie, consacrée aux colonies spatiales, comporte les nouvelles suivantes : Longue-Vie, T’ien-Keou, La Fin de l’hiver, Proche-Horizon et L’homme qui n’existait plus.
Longue-Vie nous emmène à la rencontre d’une femme que la longévité record conduit à participer à un jeu mortel. Dans T’ien-Keou, le jeu est de nature différente mais le jeune garçon, protagoniste de la nouvelle, n’en est pas moins victime. J’ai apprécié le caractère également implacable des deux scénarios qui prennent place de manière toutefois très différente et dans des environnements diamétralement opposés, le premier dans un environnement de station désertée, le second dans une colonie au contraire surpeuplée et à la culture fortement inspirée de la Chine.
Elles sont suivies d’une nouvelle bien plus optimiste, La fin de l’hiver. Sur une colonie aux conditions de vie effroyables, un groupe d’explorateurs et de mercenaires fait une découverte majeure à même de bouleverser leur mode de vie.
Proche-Horizon adopte une tonalité encore une fois différente. Le lecteur y accompagne les visiteurs d’une colonie où les humains semblent vivre en symbiose avec une espèce extraterrestre et où l’appât du gain des corporatistes risque de se heurter à une culture peu réceptive à leurs argumentaires.
L’homme qui n’existait plus, dernière nouvelle de ce recueil, est aussi la plus longue. La postface savantière rédigée par Laurent Genefort nous apprend qu’il en existe deux autres versions encore plus longues et qu’elle a donc été élaguée au fil des ans pour aboutir à sa taille actuelle. Le gestionnaire d’une plateforme d’extraction atmosphérique est retenu prisonnier sur son dernier lieu de travail, une station que tous ont évacué à l’exception de son tortionnaire. À la lecture, il m’a cependant manqué quelque chose pour me sentir vraiment touchée par le devenir du protagoniste. Ce huis-clos parvient toutefois à créer un environnement angoissant, le protagoniste luttant contre un ennemi insaisissable aussi bien que contre son manque de savoir-faire technique et sa solitude de plus en plus pesante.
Pour résumer, ce recueil contient des ingrédients bien connus des lecteurs de Genefort et mêle allégrement les nouvelles aux tons et aux univers différents. Il ne pourra donc que plaire aux fans de l'écrivain. Les nouveaux lecteurs y trouveront aussi leur compte, pour peu qu'ils aiment la SF spatiale et ses environnements parfois hostiles à l'humanité.