Aux quatre coins du monde, des animaux meurent de façon inquiétante et inexpliquée. Qu’ils soient à l’état sauvage, protégés dans une réserve ou domestiqués, tous succombent à un mal mystérieux. Une désolation imperceptible de prime abord pour les humains mais qui semble se répandre très vite d’une espèce à l’autre. Plus étrange encore, les quelques survivants épargnés demeurent prostrés et en pleurs.
Face à cette hécatombe sans précédent, Shan, une jeune virologue de l’Institut de Grenoble, s’empare du dossier et décide de mener seule des recherches. L’enquête va d’abord la mener au Québec, devant l’immense cimetière qu’est devenu le fleuve Saint-Laurent depuis que des milliers de cadavres ont été découverts flottant tels des troncs morts. Bélugas, marsouins, orques, baleines… Une vision d’horreur, une odeur putride et un dernier chant, celui d’une longue agonie. Pour le jeune Innu qui la conduit sur le terrain, la prédiction de la chamane de la réserve se réalise : « C’est le bruit qui tue. C’est le bruit qui vient du fond des océans. C’est le chant. Le dernier chant. Il apporte la mort ».
Le grand fleuve se vide de sa vie et ce n’est pas le seul endroit où les animaux meurent. Même constat dans une réserve au Congo à cent kilomètres de Brazzaville où des gorilles ont succombé en masse. Déjà menacés par la déforestation et chassés par les braconniers, les primates sont en proie à un mal invisible dont l’origine reste à trouver. Pas de traces d’empoisonnement dans les analyses toxicologiques, pas de changements de comportements au préalable, pas de violences mais un état dépressif chez les survivants qui amènent la virologue à demander des examens plus poussés. Le constat est étonnant : tous présentent des lésions cérébrales, une accumulation de liquide lacrymal dans les yeux et un taux de sérotonine extrêmement bas.
À son retour, Shan commence à entendre des légers piaillements qui lui emplissent la tête au réveil. Alors qu’elle souhaite faire d’autres examens, l’Institut change de direction et lui met soudainement des bâtons dans les roues. Plus intriguant encore, l’orientation des projets menés jusqu’alors prend une nouvelle tournure, inattendue et controversée : l’amortalité. Entre secret professionnel, capitalisation du laboratoire, financements douteux de programme sur le transhumanisme et recherches scientifiques en vue d’une abolition de la mort, Shan commence à faire marche arrière et va se rapprocher d’un groupe de chercheurs anticonformistes. Quitte à mettre en jeu ses convictions et sa propre vie en péril.
Mélange de polar écologique et de thriller, cette histoire avait tout pour me plaire. Une trame captivante axée sur les problèmes environnementaux, les menaces d’extinctions animales et les dérèglements sociétaux, un récit instructif et particulièrement bien documenté, le tout soupoudré d’un suspense crescendo.
Autant j’ai dévoré avec une avidité folle la première moitié du livre, autant la seconde m’a indubitablement laissé sur ma faim. J'en attendais sûrement trop mais le scénario de départ était tellement prometteur, en parfaite osmose avec la réalité du terrain post-Covid, que j’aurai souhaité une résolution, non pas digne d’un happy-end miraculeux mais en tout cas une fin plus complexe, minutieuse et plausible.
Je ne sais pas à partir de quel moment ce thriller m’a échappé pour devenir une sorte de fourre-tout scientifique abracadabrantesque à coup de deus ex machina, d’intelligence artificielle, de complot militaire, d’armes surpuissantes, de grands méchants hyper-stéréotypés, de morts à la pelle et de retournements de situations toutes les trois pages. J’aime bien qu’on joue avec mes nerfs, qu’on noie le poisson et qu’on me retourne comme une crêpe mais alors c’était tellement insensé que les émotions du début de lecture ont laissé place nette à une sorte de gâchis magistral. Je suis un peu déçue car Sonja Delzongle m'avait habituée à de meilleurs romans engagés, plus aboutis et moins malaisants. Je m'y retrouverai peut-être avec son prochain.