August, vingt-trois ans, n’arrive pas à se résoudre à quitter les bancs de la fac. Littérature, histoire, psychologie, elle enchaîne les cursus car elle ignore ce qu’elle compte faire de sa vie. Régulièrement, elle tente de s’installer dans une nouvelle ville où elle aimerait se perdre, anonyme. Cette fois, elle a choisi la sociologie et New-York. La ville est tellement grande qu’elle devrait y trouver la solitude qu’elle cherche.
Manque de chance, le seul appartement qu’elle peut trouver est dans une coloc’ déjantée. Niko, médium et barman, partage l’une des chambres avec sa petite amie Myla, sculptrice atypique tandis que Wes, tatoueur, en partage une autre avec Poichiche, son caniche aussi débonnaire qu’envahissant. Tous sont bien décidés à intégrer August à leur bande, qu’elle le veuille ou non. Myla lui décroche d’ailleurs un job comme serveuse au Pancake Billy’s House of Pancakes. Ce diner est le camp de base des amis mais aussi une véritable institution dans le quartier puisqu’il existe depuis quarante-cinq ans.
Le jour de sa rentrée, August emprunte la ligne Q du métro et renverse malencontreusement son café sur elle-même. Une belle jeune femme de son âge, à l’allure un peu punk et rétro, la tire de l’embarras en lui donnant son écharpe. August est aussitôt captivée par elle. Elle ne tarde pas à se rendre compte que leurs trajets en métro ont toujours lieu en même temps, ce qui lui permet de se rapprocher de celle qu’elle surnomme « la fille du métro ». Bien vite pourtant, le comportement insolite de son béguin l’interpelle : Jane, la fille du métro, ne semble rien connaître du monde actuel, comme si elle était bloquée dans les années 1970. Plus fascinant encore, elle apparaît sur la photographie de l’inauguration du Pancake Billy’s House of Pancakes alors qu’il est impossible qu’elle ait été née à l’époque.
August s’était juré de ne plus jamais entreprendre d’enquêtes, après avoir passé son enfance et son adolescence à rechercher son oncle disparu aux côtés de sa mère. Pourtant, ses sentiments de plus en plus forts pour sa compagne de trajet vont la pousser à reprendre du service.
Je ressors mitigée de ma lecture de One last stop. Les points négatifs sont cependant moins nombreux pour moi que les points positifs, je vais donc commencer par ce qui m’a gênée. Le premier point négatif concerne les révélations concernant la nature-même de Jane. On ignore au début du roman si Jane est une fille normale, une hallucination, un fantôme, une voyageuse temporelle, un vampire ou que sais-je encore. Cela confère une aura de mystère très attirante à ses rencontres avec la protagoniste. Malheureusement, le mystère est assez vite levé alors que le résumé de l’ouvrage donnait l’impression que la découverte de ce secret constituerait le cœur de l’intrigue. Ne souhaitant pas vous ruiner les premières pages, je me bornerai à dire qu’il s’agira en fait plutôt d’aider Jane à résoudre un problème. Il y aura bien une enquête mais plutôt sur le passé de Jane et sur les méthodes à employer pour la tirer d’un faux-pas. L’autre grosse composante de l’intrigue sera bien sûr la romance.
Le second point négatif est la répétition de scènes ou de dialogues similaires. On assiste ainsi à quatre soirées drag, l’une dans un bar, l’autre dans un appart et qui se finit dans le métro, etc. Même si l’environnement change, le contenu de la soirée varie assez peu d’une fois sur l’autre. Un autre exemple : Wes refuse de s’avouer son amour pour son voisin de palier Isaiah/Annie et je n’ai pas compté le nombre de fois où on nous le montre rougir ou s’enfuir à son approche. Je dirais au moins une dizaine. C’est un petit peu trop pour moi : j’avais compris au bout de trois ou quatre fois. Cela vaut aussi pour les scènes de sexe ou leurs évocations, un peu trop nombreuses. Le roman est bourré de répétitions, de moments déjà vus pris sous un angle subtilement différent mais qui n’empêchent pas une certaine impression de lourdeur. Le rythme de l’intrigue en pâtit.
Pourtant, j’ai beaucoup apprécié ma lecture de ce roman. One last stop est un roman qui me restera en mémoire et que j’aurai plaisir à relire dans quelques années. Venons-en donc aux points positifs. Tout d’abord, cet ouvrage nous embarque vers un New-York crédible avec son métro toujours ouvert et un brin crasseux, ses soirées un peu folles, ses personnages très vite amicaux. L’emphase est mise sur la communauté LGBTQIA+ à la fois dans ses modes de vie actuels et dans ceux, plus clandestins, des années 1970. La violence subie par cette communauté comme les progrès réalisés en matière de droits sociaux sont évidemment abordés. Ce pont entre militantisme passé et présent m’a paru bien réalisé.
J’ai aussi particulièrement apprécié le fait que les différents protagonistes soient des personnes tout aussi déjantées les unes que les autres, quelle que soit leur identité ou leurs préférences sexuelles. Même s’il manquait peut-être une personne « cis » et hétérosexuelle parmi les personnages principaux pour attester que les grains de folie ne sont pas le propre uniquement des personnes appartenant à la communauté LGBTQUIA+, surtout dans une ville comme New-York.
August et Jane sont des héroïnes touchantes, qui ont chacune dû rompre plus ou moins fortement avec leur famille pour tenter de se trouver. August vit notamment dans l’ombre de son oncle disparu, également appelé August, dont la recherche a d’ailleurs consumé toute la vie de sa mère. La romance entre les deux jeunes femmes n’est pas sans heurt et, malgré quelques atermoiements peut-être dispensables, on a dans l’ensemble plaisir à suivre leur histoire d’amour.
Les personnages secondaires possèdent tous une personnalité bien à eux et sont eux aussi intéressants à suivre.
Autre point fort, les difficultés rencontrées par les personnes homosexuelles ou transgenres sont loin d’être passées sous silence puisqu’elles émaillent l’histoire des différents personnages. Cependant, ces difficultés ne sont pas le cœur du récit. Je ne suis pas sûre de l’exprimer avec justesse mais il n’est pas question dans ce livre de verser dans le pathos. Les personnages ont vécu ou vivent des moments difficiles mais sont des individus forts, solidaires les uns des autres et l’issue de leurs histoires respectives n’est pas forcément tragique.
En conclusion, One last stop est un ouvrage mêlant romance, enquête policière et - avouons-le - fantastique. S’il aurait eu intérêt à être plus court pour peut-être gagner en puissance et éviter une certaine lassitude en milieu de récit, ce roman n’en demeure pas moins plaisant à lire grâce à son atmosphère. Casey McQuiston y croque amoureusement la ville de New York comme la communauté LGBTQIA+. Il est évident que si vous n’aimez pas la Grosse Pomme et que si vous êtes mal à l’aise vis-à-vis des questions d’identité et d’orientation sexuelle, mieux vaut passer votre chemin. En revanche, si vous aimez New York, le métro, les personnages un peu fous et les romances quels que soient les genres et orientations concernés, alors vous risquez fort d’apprécier !