Les Chroniques de l'Imaginaire

Sauf - Cintrat, Serge

Sauf est un recueil comportant onze fables et nouvelles de science-fiction.

Dans Son meilleur profil, le narrateur K envoie un compte-rendu de ses actions et de ses pensées à l'ordinateur central de la Présidence de la République et ce depuis sa plus tendre enfance. Il reçoit en retour des conseils personnalisés sur ce qu'il devrait faire dans sa vie. K s'en félicite car il est cadre et son train de vie est agréable. Pourtant, un jour, il est victime d'un accident de la route, en essayant d'éviter un homme traversant une voie rapide. Impossible alors de savoir quoi faire. Sa voiture détruite n'actualise plus son profil en envoyant ses informations à l'ordinateur central. Il rencontre alors des personnes à la philosophie de vie radicalement différente de la sienne. Même si le dénouement de cette nouvelle est assez prévisible, elle est très agréable à lire, notamment en raison de l'évolution psychologique de son protagoniste.

Le sauveur nous emmène à la rencontre d'un homme qui ignore s'il doit se suicider ou tuer celui qui a sauvé sa fille de cinq ans. Le narrateur ne considère pas ce sauveur comme humain et ne tolère pas qu'il ait pu sauver sa fille. Très court, ce texte nous fait partager de manière efficace les terribles considérations de ce père de famille.

Dans Clownerie, un être extraterrestre gigantesque apparaît dans le ciel de la Terre. Non content de s'interposer entre le Soleil et la Terre et donc de refroidir le climat de la planète, l'être ne tarde pas à proférer des menaces. La narration alterne entre deux membres d'une même famille, le premier ayant vécu l'apparition de l'être, le second, son arrière-petit-fils, attendant l'exécution de sa plus grande menace. Cette nouvelle interroge les craintes de l'humanité, la compassion, le sens de la vie de manière tragicomique.

La Chanson du chaman nous fait découvrir les tourments d'Etra, chaman et barde, peu de temps après la mort de sa mère. Dans ce texte très court, il est question de traditions et de transmission.

Dans Liberclic, un détenu doit jouer dix-sept heures par jour pendant des décennies à un jeu informatique pour espérer recouvrer sa liberté. Le procédé employé est assez cruel, et l'apparaît d'autant plus au fil des divers retournements de situation. 

Dans Les Rois immobiles, un explorateur scientifique spécialiste des humanoïdes participe à sa dernière expédition spatiale avant de prendre sa retraite. Il fait une singulière découverte sur ce qui ressemble à une planète-cimetière. J'ai beaucoup aimé ce texte, très poétique, qui interroge encore une fois le sens de la vie mais aussi le passage du temps.

Dans le futur dépeint par l'Art nucléaire, un humanoïde et un cynicoïde cherchent des champignons... et vont finir par en trouver un gros. Cette nouvelle, mi-glaçante mi-humoristique, reflète bien la tonalité du reste du recueil.

Pour le narrateur d'Espoir, le temps et l'espace n'ont plus exactement la même signification depuis un événement tragique. On délaisse ici le côté comique, pourtant présent dans la majorité des nouvelles, pour un récit plus poignant.

Dans Les Expériences du docteur Marx, le narrateur, admirateur des écrits de Karl Marx, va lui rendre visite. Il découvre que celui-ci a abandonné l'écriture pour se livrer à des expériences peu conventionnelles, qu'il est impossible de trop commenter sans dévoiler la chute de la nouvelle.

Dans Art nouveau, un match de 1981 doit être rejoué à l'identique entre John McEnroe et Bjorn Borg. Mais John McEnroe ne parvient pas exactement à jouer le jeu, contrairement à son adversaire. J'ai trouvé le concept de la reconstitution de matchs et l'interrogation du concept de victoire et de célébrité intéressant, même si, ne connaissant rien au tennis, j'ai dû vérifier que le texte faisait bien référence à de vraies personnes.

La Machine de la dernière nouvelle pousse l'humanité à s'adapter une nouvelle fois à une menace imprévue. Malgré son aspect objectivement sombre, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver cette nouvelle amusante par son incongruité.

Pour conclure, Serge Cintrat nous propose un vaste registre de nouvelles oscillant entre science-fiction et fantastique, se jouant souvent des défauts de l'humanité mais jamais fatalistes. Ce recueil plaira aux amateurs de nouvelles SF invitant à la réflexion, saupoudrées d'une touche d'humour noir et de retournements de situation.