A onze ans, Martin Hill a la certitude qu'il a raté sa vie. Non pas pour quelque chose d'aussi banal qu'un examen aux résultats catastrophiques, ou une rupture, ou même la séparation de ses parents, mais pour une raison unique : il a failli incarner Harry Potter à l'écran, avant de se voir finalement écarté au bénéfice de Daniel Radcliffe. De ce moment, il se renferme sur lui-même : en pleine Pottermania, c'est difficile d'avoir des échanges avec d'autres, quand ils sont tous obsédés par le petit sorcier à lunettes, dont les aventures continuent d'être publiées, cependant que les films commencent à sortir, faisant des millions d'entrées.
Après la mort de son père, Martin part vivre avec sa mère, Jeanne, journaliste au Point, à Paris. Malheureusement le compagnon de celle-ci, Marc, est un manipulateur pervers qui détruit toujours plus sa paix d'esprit, sans que Jeanne s'en aperçoive.
Il faut d'abord rappeler que, même s'il est vrai que deux enfants sont restés en lice pour le rôle principal de la saga cinématographique, on ne connaît pas le nom de celui qui n'a pas été retenu. De ce fait, David Foenkinos a eu beau jeu d'extrapoler sur lui, et tout ce qui le concerne dans ce roman est de la fiction. Par ailleurs, s'il a utilisé des éléments connus, publics, des personnes qu'il cite (David Heyman, J.K. Rowling, Daniel Radcliffe...), il ne prétend pas faire oeuvre de biographe.
La thématique de l'échec est explorée avec finesse, sachant qu'il s'agit ici moins de l'échec que du rejet, du fait de se voir préférer quelqu'un d'autre, et donc de comment supporter le choix, peut-être arbitraire, d'un autre. La finesse de l'exploration tient aux solutions différentes qui sont trouvées, de Karim, qui rejette à son tour, et de Martin qui peut mesurer grâce à sa rencontre avec son double chanceux qu'il n'est pas forcément le perdant à 100% dans l'histoire.
D'autre part, les fans de Harry Potter trouveront sans doute intéressante aussi la façon dont l'auteur a réussi à intégrer des éléments de l'histoire et de la psychologie de Harry à ses propres personnages : il y a une "voyante" qui lui prédit la rencontre de son amoureuse, il vit avec Marc et Hugo quelque chose des Dursley et de Dudley, le remarquant lui-même, et les facettes Martin/Daniel correspondent aux facettes Juste-Harry/Survivant. Quelque part, Martin et Daniel représentent à eux deux le personnage, ce qui en souligne la richesse.
La lecture d'Anaïs Dumoustier correspond bien au texte, dans sa clarté et sa linéarité. En somme, un roman plaisant, auquel cette version auditive apporte une liberté supplémentaire en terme d'appréciation du texte.