L'empire des Atréides a survécu à la disparition de son fondateur, Paul Muad'Dib, le messie des Fremen. Son fils Leto, deuxième du nom, s'est chargé d'en assurer la pérennité en sacrifiant son humanité. Devenu moitié homme, moitié ver des sables, doté d'une longévité exceptionnelle, invulnérable à toutes les armes conventionnelles et bénéficiant du don de la prescience, il est adoré comme un dieu d'un bout à l'autre de la galaxie. Ses pouvoirs et son contrôle absolu des dernières réserves d'Épice lui permettent de jouer à sa guise des anciennes grandes factions de l'empire, qu'il s'agisse du Bene Gesserit, de la Guilde des navigateurs, du Bene Tleilax, des Ixiens ou de ce qui reste des Grandes Maisons. Dictateur, il l'est, assurément, mais c'est parce qu'il a vu le futur et qu'il est le seul à savoir comment sauver l'humanité de la destruction. Même si cela passe par sa mort…
L'Empereur-Dieu de Dune est le livre de Leto II, plus encore que Les enfants de Dune était le livre des jumeaux Leto et Ghanima ou Le messie de Dune, le livre de Paul. C'est lui que l'on suit, c'est lui qui nous parle dans chaque exergue de chapitre et ce sont ses pensées et ses choix qui dictent le déroulement du récit, bien davantage que ceux des personnages qui l'entourent et qui sont davantage dans la réaction que dans l'action. Même quand ils croient agir, Leto avait tout prévu, évidemment… J'avais trouvé ce personnage plutôt agaçant dans Les enfants de Dune, avec un côté monsieur-je-sais-tout assez pénible à la longue. Il l'est toujours ici, mais c'est plus supportable de la part d'un Empereur-Dieu vieux de trois millénaires et demi que d'un gamin de dix ans, d'autant que cela permet à Frank Herbert quelques remarques iconoclastes çà et là.
Le livre démarre sur une course-poursuite et s'achève sur un attentat, deux scènes pleines d'intensité et particulièrement frappantes. Néanmoins, c'est un récit essentiellement contemplatif qui est proposé ici : l'Empereur-Dieu est relativement passif et c'est surtout par ses mots qu'il fait bouger les choses. Son histoire d'amour avec Hwi Noree, une femme génétiquement conçue pour qu'il en tombe amoureux, lui apporte une dose de vulnérabilité bienvenue et teinte son histoire d'accents tragiques parfois touchants.
L'Empereur-Dieu de Dune, c'est donc six-cents pages en tête-à-tête avec un personnage unique, et l'opinion que l'on peut avoir de ce livre est irrémédiablement liée à celle que l'on peut avoir de Leto. Si vous le trouvez horripilant, inutile de persévérer, ce roman n'a rien d'autre à vous offrir. En revanche, si ses réflexions vous séduisent, vous pourrez passer un bon moment à étudier ses discours sur les thèmes habituels de la saga Dune : la nature de l'humanité, l'exercice du pouvoir, le mythe de l'homme providentiel, l'immortalité, le futur, et ainsi de suite. Dans tous les cas, c'est un roman qui me semble mieux conçu que son prédécesseur, et c'est un vrai soulagement après le plutôt moyen Les enfants de Dune.