Mille cinq cents ans se sont écoulés depuis la mort de l'empereur-dieu Leto II. Libérée du carcan qu'il lui avait imposé, l'humanité a essaimé au-delà des limites de l'espace connu et les factions ayant choisi de rester dans les frontières de l'ancien empire, comme les sorcières du Bene Gesserit, les bio-ingénieurs impies du Bene Tleilax ou les mécaniciens d'Ix, ont perdu tout contact avec celles et ceux qui ont choisi de participer à cette Grande Dispersion.
Or, voici que les événements se précipitent. Sur Rakis, jadis appelée Arrakis, une jeune fille nommée Sheeana développe la capacité à parler et se faire obéir des terribles vers des sables. Même si la planète ne dispose plus du monopole de l'Épice depuis que les Tleilaxu sont parvenus à la synthétiser, le Bene Gesserit s'intéresse de près à elle. C'est cependant loin d'être leur préoccupation majeure : des revenantes de la Dispersion, les Honorées Matriarches, sèment la mort et la destruction partout sur leur passage et semblent bien décidées à conquérir le vieil empire. Le Bene Gesserit garde tout de même quelques atouts dans sa manche, à commencer par Miles Teg, rejeton des Atréides et génie militaire. Et une inconnue : le dernier ghola de Duncan Idaho, pas encore éveillé à ses vies passées.
Après un nouveau bond de plusieurs centaines d'années en avant dans le futur, Les hérétiques de Dune semble couper les derniers ponts avec le Dune original. La planète-désert, jadis point focal de l'univers connu, n'est plus qu'un monde parmi tant d'autres, dont l'importance n'est plus guère qu'historique, et la majeure partie du livre ne s'y déroule d'ailleurs pas. L'empire galactique n'est plus qu'un souvenir, les grandes maisons comme les Atréides ou les Harkonnen ont complètement disparu, et il ne reste qu'une poignée d'organisations pour faire le lien avec l'époque de Paul Muad'Dib, cinq mille ans (vertige des siècles !) plus tôt.
La principale est le Bene Gesserit. Ses sœurs sont les personnages principaux du roman et Frank Herbert nous présente pour la première fois dans le détail les arcanes les plus secrètes de cet ordre, dont les membres possèdent des pouvoirs prodigieux qu'il était difficile de discerner dans les tomes précédents (incohérence ?). Pour conserver une part d'inconnu dans son récit, Herbert fait interagir le Bene Gesserit avec deux factions aux moyens et aux fins mystérieuses : le Bene Tleilax, déjà présent dans les tomes précédents, et les Honorées Matriarches, qui font leur apparition dans celui-ci. Avec leur penchant pour les altérations génétiques et corporelles, les Tleilaxu sont les parias de l'ancien empire, mais leurs inventions les rendent irremplaçables. Les Matriarches sont quant à elles un miroir déformant placé devant le visage du Bene Gesserit : des femmes qui se servent du sexe comme moyen d'asservissement. Elles font un Grand Méchant efficace et menaçant, mais aussi pas qu'un peu ridicule, somme toute comme les Harkonnen de Dune.
Après un Empereur-Dieu de Dune très contemplatif et bourré de dialogues socratiques, Les hérétiques de Dune offre une intrigue davantage dans la lignée des premiers tomes de la série, avec des intrigues, des mystères et beaucoup de scènes d'action. Le récit est mené avec suffisamment d'adresse pour donner envie de suivre les tribulations des personnages principaux, même si Herbert ne parvient jamais à les rendre aussi attachants que ceux de Dune, et même si leurs plans sont parfois trop obscurs pour que le lectorat puisse vraiment apprécier leur subtilité, et même si l'utilité de certains à l'intrigue globale n'est pas franchement évidente (Sheeana ?).
Mais même avec ces « même si », Les hérétiques de Dune est un roman de space opera raisonnablement distrayant, qui parvient même parfois à faire réfléchir. Si vous avez réussi à finir L'Empereur-Dieu de Dune, vous n'avez aucune raison de ne pas poursuivre la lecture du cycle, vous ne devriez pas être déçu.