Les Chroniques de l'Imaginaire

La Maison des mères (Dune - 6) - Herbert, Frank

La guerre entre le Bene Gesserit et les Honorées Matriarches se poursuit. Rien ne semble pouvoir résister à la furie des secondes, qui ont anéanti le Bene Tleilax et vitrifié Dune. Néanmoins, l'espoir subsiste : un ver des sables a pu être sauvé et emporté sur la Planète du Chapitre, siège du Bene Gesserit, qui est amenée à devenir une nouvelle planète-désert où l'espèce pourra survivre. Encore faut-il que les Matriarches ne découvrent pas sa localisation… Tous les plans se mettent en branle lentement : celui de la Très Honorée Matriarche Dama, bien décidée à découvrir les secrets du Bene Gesserit avant de le détruire ; celui de la Mère Supérieure Darwi Odrade, qui compte bien sauver son ordre et l'humanité ; mais aussi ceux de Murbella, Matriarche ayant rejoint le Bene Gesserit, ou de Duncan Idaho, à la fois ghola, mentat et génie militaire, ou de Sheeana, la jeune fille de Rakis qui parle aux vers des sables. Qui obtiendra gain de cause ?

La Maison des mères est une conclusion profondément insatisfaisante au cycle de Dune. Ce n'est pas entièrement la faute de Frank Herbert : il comptait visiblement poursuivre la série avec un septième tome qui aurait sans doute apporté des réponses aux questions encore non résolues à la fin de ce livre, mais la mort l'a empêché de mener à bien ce projet. Néanmoins, on ne peut pas complètement le dédouaner non plus, car ce tome-ci de la série est sans doute celui qui contient le plus de remplissage. Alors que Les hérétiques de Dune proposait une intrigue pleine d'action et de rebondissements, La Maison des mères se traîne longtemps avec des personnages qui ne font pas grand-chose d'autre que papoter, parfois seuls et parfois ensemble. Les choses s'accélèrent un peu vers la fin, heureusement, mais c'est bien tard et on est en droit de se dire que les premières centaines de pages du livre auraient pu être mieux utilisées pour faire bouger un peu les choses.

On retrouve ici les mêmes protagonistes que dans Les hérétiques de Dune, et ils ne sont pas plus attachants dans ce livre-ci qu'ils ne l'étaient dans ce livre-là. Darwi Odrade gagne en épaisseur, puisque c'est dans ses pensées que l'on se trouve la plupart du temps, mais elle reste tout de même assez opaque. Duncan Idaho et Murbella sont plus touchants avec leur histoire d'amour perturbante et contrariée, mais pas au point de réellement susciter l'empathie ; quant à Sheeana, dans la mesure où sa contribution à l'intrigue consiste essentiellement à violer un jeune garçon, difficile de trouver quoi que ce soit de positif à dire à son sujet.

Quelques nouveaux personnages sont introduits dont, assez étonnamment, un groupe de réfugiés juifs menés par un rabbin chouineur assez pénible. Ces réfugiés apportent une perspective au ras du sol sur les atrocités commises par les Honorées Matriarches, ce qui aide à donner corps à la guerre autrement un peu abstraite entre elles et le Bene Gesserit, mais il est difficile de comprendre pourquoi Herbert a choisi d'en faire des juifs (les autres religions actuelles sont censées avoir évolué et fusionné au fil des millénaires, mais pas le judaïsme, apparemment) et tout aussi difficile d'imaginer quel rôle il comptait leur faire jouer par la suite.

C'est un peu triste de voir la grande aventure de Dune s'achever ici, sur un roman qui ressemble à une version diluée et affadie de son prédécesseur. La Maison des mères reste moins mauvais que les épouvantables suites et préquelles greffées sur le cycle après la mort de Frank Herbert par son fils Brian avec l'aide de Kevin J. Anderson, mais cela n'en fait pas un très bon livre pour autant. À mon sens, s'arrêter à la fin de L'Empereur-Dieu de Dune est la meilleure chose à faire quand on découvre la saga, à moins d'être vraiment conquis et de vouloir à tout prix connaître la suite.