Sylvo Sylvain, elfe exilé, exerce l'activité de détective privé à Panam. La notoriété et la gloire qu'il espérait tant à ses débuts ne sont jamais arrivées et c'est un local décrépi qui lui tient à la fois lieu de bureau et de logement. Il peut heureusement compter sur l'aide inaliénable de son ami Pixel, unique pillywiggin de ce monde, surtout lorsque les choses se corsent. Ce qui devait être une simple enquête sur un nain adultère se pare en effet bien vite d'attributs politiques quand un attentat éclate à l'endroit de la filature et que les photographies compromettantes du nain révèlent autre chose qu'une amourette.
Dès lors, rien ne va plus pour Sylvo qui se retrouve poursuivi de tous côtés : police, créanciers, journaliste... Tous attendent quelque chose de lui, que ce soit son aide, sa peau ou son argent.
Raphaël Albert nous entraîne dans une région parisienne revisitée, où Sartrouville se transforme en Saltrouville, Pigalle en Mygale, la Seine en Veine... C'est très amusant pour qui connaît bien la capitale et cela reflète bien le ton de l'ouvrage : distrayant, irrévérencieux, haut en couleurs. La plume de l'auteur se fait tour à tour tendre ou sarcastique à l'égard de cette ville de Panam mais aussi de ses habitants. Son héros, Sylvo Sylvain, n'échappe pas à cette férocité. Sorte de détective raté à la dérive, on se prend très vite à s'y attacher et ce d'autant plus qu'il n'est au final pas si incompétent que cela. Les personnages secondaires, même entraperçus, ont le mérite d'intriguer. Même si on ne le croise que le temps de quelques pages, j'ai par exemple particulièrement apprécié le personnage du vieux Harry, magicien et grand-père bienveillant. Les décors sont tout aussi bien croqués que les personnages. On croirait presque arpenter les rues de ce Paris fantasque avec Sylvo.
Le rythme de l'intrigue est très bien trouvé : les ennuis arrivent progressivement, de plus en plus énormes bien sûr, jusqu'à un dénouement final plein de révélations catastrophiques pour le protagoniste. Malheureusement pour lui, Sylvo est un personnage qu'on a presque plaisir à voir souffrir, juste pour voir comment il va retomber sur ses pieds.
Les passages plus introspectifs ne sont pas oubliés. La narration, faite du point de vue de Sylvo, permet de lever partiellement le voile sur son passé et sur ses tourments.
Au-delà de la transformation de la ville de Paris en Panam, les références culturelles sont nombreuses mais ne lassent pas. On retrouve par exemple un certain Jacques Londres, documentaliste et aspirant journaliste, travaillant pour une certaine Madame Lane.
La présence d'une carte de la ville et, surtout, d'extraits de gazette confèrent une atmosphère bien particulière à l'ouvrage. On prend plaisir à le feuilleter.
Ce roman peut se lire comme un stand-alone mais j'ai été heureuse pour ma part de constater qu'il s'agit en fait du premier tome d'une série.
Pour conclure, Rue Farfadet plaira aux amateurs de Paris revisité à la sauce fantasy, d'enquête policière, d'univers travaillé mais surtout de héros torturés et extravagants et d'humour mordant.