Nous sommes sur une petite route de Bretagne, en août 76, l'année de la canicule. JeanLouis Tripp est tout juste majeur, il est en train de conduire une roulotte, tirée par des chevaux, à l'ancienne. Avec lui, une grande partie de sa famille : ses deux frères, Dominique et Gilles, ce dernier étant âgé de douze ans. Alors que la mère est à l'arrière de la roulotte, faisant du vélo en riant avec Dominique, JeanLouis vient d'être rejoint à l'avant par Gilles.
Le petit frère en question s'amuse, chante très mal du Michel Fugain. Il sait qu'il casse les oreilles de sa famille autour, et ça l'éclate. Encore une fois, il fait chaud, ce sont les vacances, l'endroit est calme, perdu dans la campagne finistérienne. Et puis, en une fraction de seconde, tout bascule : Gilles, tendant la main à son frère, se met sur le marchepied, côté route. Pile au plus mauvais moment : une voiture croise la carriole, à vive allure, et ne peut éviter Gilles...
JeanLouis met un moment avant de réaliser ce qui vient d'arracher si brutalement la main de son frère à la sienne... Une voiture vient de faucher Gilles. Une voiture de couleur verte qui roulait bien trop à gauche. Une voiture dont le chauffeur prend la fuite, alors qu'un garçon gît maintenant dans une mare de sang, sur la route...
La famille est sous le choc, le temps que tout le monde comprenne ce qui vient de se passer. Nous sommes en 1976, et il est impossible d'appeler les secours depuis un portable. Et il faut attendre de longues minutes avant de voir un automobiliste, qui pourra enfin alerter les secours... Ces derniers arriveront bien tard, et le jeune Gilles termine sa vie, bien trop tôt, à l'hôpital de Morlaix...
JeanLouis Tripp a passé un peu plus de deux ans en compagnie de la mémoire de son petit frère et de sa famille, pour nous raconter ici le drame qu'il a bel et bien vécu. Ce livre est un roman graphique et autobiographique, et il ne pourra laisser aucun lecteur indifférent. Il parle bien entendu du choc de l'accident, mais également de ce qui se passe après, entre l'incertitude du décès, le rapatriement du corps, les obsèques avec les condoléances, la foule...
Et au-delà de ces moments qui se passent sur quelques jours, JeanLouis Tripp parle également des conséquences sur le long terme. Du procès, de ces flashbacks qui arrivent tout le temps, cette main qui quitte si brutalement la sienne. Les impacts sur ses parents, entre une mère qui n'en parle jamais, et un père qui a dessiné son fils Gilles durant des années, sur la base d'une simple photo.
JeanLouis Tripp nous émeut, beaucoup, avec ce one-shot. Je ne sais pas si le fait de raconter cette histoire a eu un effet bénéfique sur l'auteur, sans doute que oui et il le dit lui-même dans une très belle conclusion. En tout cas, Le petit frère est un ouvrage incroyable, un concentré de justesse et d'humanité unies dans la douleur et dans le drame. Les expressions des personnages sont incroyables, de bout en bout, et quel que soit le personnage, que ce soit à l'époque ou au présent, au travers des séances Skype pour rappeler tel ou tel souvenir.
Un livre à lire absolument, que le malheur vous ait touché d'aussi près ou pas. Une expérience bouleversante.