Les Chroniques de l'Imaginaire

Florida - Bourdeaut, Olivier

Pour ses sept ans, la mère d’Elizabeth lui offre une robe. Mais pas n’importe quelle robe, la robe qui va lui permettre de gagner son premier concours de beauté. Et c’est ensuite l’engrenage. Sa mère, encouragé par ce premier succès, va tout faire pour que sa fille soit sur les podiums des autres concours. Sans réel succès. Mais son obsession l’empêche de voir que sa fille n’est pas sur la même longueur d’onde qu’elle, et quand Elizabeth se rebelle, elles sont exclues des compétitions et la jeune fille envoyée dans un pensionnat.

Pensionnat dans lequel elle se laisse aller, et entame une liaison torride avec le distributeur de sucreries et snacks de malbouffe en tout genre. Elizabeth perd donc sa ligne et prends du poids, et à chaque visite où elle voit sa mère, elle prend plaisir à voir dans ses yeux la déception qu’elle provoque.

Je ne peux pas raconter la suite, sinon je vous dévoilerais toute l’histoire, et il vaut mieux la découvrir par vous-même. Sachez tout de même que la vie d’Elizabeth n’aura jamais de grands bonheurs sur la longueur, qu’elle va être chassée de la famille de son petit ami parce que le père de celui-ci la reluque sous la douche, et qu’elle finira par essayer de gagner un titre de championne de culturisme.

Elizabeth tente par tous les moyens de se venger de ses parents. De sa mère abusive pour commencer, qui la force à s’exhiber sur les podiums, mais aussi de son père, le « Valet » comme elle l’appelle, qui prend bien soin de ne jamais contrarier sa femme dans ses tentatives pour faire d’Elizabeth une reine de beauté et ne la protège donc pas de la folie de sa femme. Il est veule et lâche, et on comprend rapidement qu’il est complétement dépassé par la situation. D'ailleurs, la scène de la rébellion d'Elizabeth a été pour moi l'un des moments les plus jouissifs de l'histoire.

C’est tout un pan de l’Amérique nauséabond que nous présente l’auteur. Celui des concours de Mini Miss tout d’abord, où on voit l’ambition qui anime aussi bien les fillettes que les parents de celles-ci, mais aussi le monde du culturisme qui, s’il permet à Elizabeth d’avoir un but dans la vie, finit par la détruire.
C’est aussi le mal être que peut engendrer ce genre de situation qui nous est présenté de façon très crue, et surtout très cruelle. Tout au long du livre, Elizabeth se bat avec son image, tentant d’abord de plaire à sa mère et au public, pour finir par la déformer afin de se l'approprier totalement. 

La plume d’Olivier Bourdeaut dans ce roman est magistrale. Même si l’auteur est français, il a su décrypter avec beaucoup de justesse les concours de Miss aux USA et le monde du culturisme poussé à outrance. Sous sa plume acerbe, il nous livre une critique assez violente de ces extrêmes, mais aussi une critique du monde de l’art contemporain, qui se révèle d’une vacuité consternante sous la plume de l’auteur.

Même si on se prend de sympathie pour Elizabeth, on se retrouve à critiquer aussi ses choix de vie, dans le seul but de s’éloigner le plus possible de ses parents. C’est en partie cette ambivalence qui fait de cette histoire quelque chose d’unique mais aussi de jouissif. Car si Elizabeth réussit en grande partie à mettre mal à l’aise ses parents, elle ne réussit jamais complétement à s’en détacher, et l’histoire ne finit vraiment pas bien.

Un gros coup de cœur pour ma part !