Miles Bennell est médecin à Mill Valley, une petite ville tranquille de la grande banlieue de San Francisco. Il ne se passe jamais grand-chose à Mill Valley, alors quand plusieurs patients de Miles lui expriment une même inquiétude, il se doute qu'il y a anguille sous roche. Toutes et tous lui font le même récit : l'un ou l'autre de leurs proches a changé, d'une manière indescriptible, comme s'il ne s'agissait plus de la même personne. Comme si autre chose avait pris sa place... Au fil de son enquête, Miles va se retrouver confronté à une menace d'ordre intersidéral, avec pour seuls alliés un couple d'amis, les Belicec, et Becky, son ex-petite amie de la fac. Le sort de l'humanité, et même de toute vie sur Terre, est entre leurs mains.
Body Snatchers fait partie de ces livres qui sont devenus des classiques en très peu de temps. Non content d'avoir été adapté à trois reprises au cinéma depuis sa parution, en 1955, il a également inspiré d'innombrables imitateurs dans toutes sortes de domaines et, même si vous n'avez jamais lu le roman de Jack Finney, vous en connaissez déjà l'argument, parce que vous l'avez déjà forcément croisé dans un autre contexte. (En ce qui me concerne, ma première exposition à cette histoire aura été son adaptation par R.L. Stine dans la série de livres d'horreur pour enfants Chair de poule...)
Il faut dire que c'est un récit diaboliquement efficace. Avec des extra-terrestres bien décidés à utiliser leurs pouvoirs mimétiques pour remplacer progressivement toute l'humanité, individu après individu, la paranoïa est au rendez-vous et Miles, contraint à un solipsisme aussi brutal qu'absolu, ne peut jamais être sûr de rien ni de personne. C'est un protagoniste suffisamment sympathique pour qu'on partage ses angoisses, même si son état d'esprit est celui d'un Américain blanc des années 1950 avec tout ce que cela implique, notamment un paternalisme parfois agaçant vis-à-vis de Becky.
La tension monte crescendo au fur et à mesure que le récit progresse et que Miles découvre peu à peu les ramifications du plan des extra-terrestres, tout en s'efforçant de leur échapper. Les temps morts sont savamment dosés pour permettre à cette tension de ne jamais se relâcher complètement, tout en offrant à Finney l'opportunité de développer quelques réflexions sur le surnaturel (ses personnages restent longtemps persuadés d'avoir affaire à un cas d'hystérie collective) ou l'humanité. En revanche, il prend bien soin de ne pas fournir de lecture allégorique de son récit ; même s'il a souvent été lu comme une fable anti-communiste, bien d'autres interprétations sont possibles. La conclusion du récit pourra sembler quant à elle un peu facile, mais elle fonctionne suffisamment bien pour ne pas gâcher l'impression d'ensemble.
Body Snatchers est un roman qui n'a pas du tout usurpé sa réputation de classique. Malgré son âge, il reste d'une lecture tout à fait plaisante aujourd'hui, et la diversité des manières dont on peut l'interpréter ajoute à sa richesse.