Les Chroniques de l'Imaginaire

La grande balade de Petros - Darlasi, Angeliki & Mastoros, Dimitrios

Ce 27 octobre 1940, Petros est triste, son grillon est mort. Personne ne semble s'en soucier à part sa grande sœur Antigone. Tous n'ont que le mot guerre à la bouche pendant le repas où toute la famille est présente. Petros, qui ne cesse de laisser son esprit vagabonder, est ramené à la dure réalité lorsqu'en pleine nuit l'alarme retentit. "C'est la guerre", lui annonce sa mère. Ces premiers jours de conflit débordent d'enthousiasme ; l'oncle Angelos s'est engagé, la population ne rêve que de bouter les Italiens hors de Grèce, les chants patriotiques accompagnent les soldats. Puis viennent les jours d'attente puis d'angoisse, où les canons retentissent et enfin le moment où les troupes italiennes puis allemandes occupent Athènes. La guerre est perdue, la Grèce occupée, le rationnement s'installe et la disette commence à faire des ravages parmi la population. Petros, en compagnie de son meilleur ami Sotiris, tente de trouver sa place et de participer lui aussi à la résistance qui s'installe face à l'oppression de l'occupant.

C'est au travers du regard de cet enfant que les auteurs nous font traverser les années d'occupation de la Grèce par les troupes allemandes. On partage ses réflexions, ses angoisses et ses interrogations face à une situation qui le dépasse. Face à la famine, chacun réagit différemment et l'on peut y apercevoir toutes les facettes de la nature humaine, le meilleur comme le pire. Ce récit permet de montrer les différentes formes de résistance employées par les Grecs contre les Allemands, de la plus infime à celle armée. On partage leurs espoirs lors des défaites allemandes et leurs afflictions lorsque les troupes alliées sont battues. Mais le plus dur pour eux aura été de lutter contre la faim, qui révélera la part sombre de certains.

C'est son esprit rêveur, son âme d'enfant, qui permettra à Petros de ne pas être submergé par les malheurs qui accablent ses proches et la population d'Athènes. Son esprit navigue au dessus de la triste réalité alors qu'il est forcé d'entrer dans le monde des adultes. Avec Sotiris, ils vont résister à leur manière, et observer ces adultes qui vont se soumettre ou se rebeller contre l'occupant. Petros va quand même perdre une partie de son innocence et des ses illusions durant cette guerre.

L'histoire est belle, les personnages sympathiques, mention spéciale à Sotiris et Antigone, et permet de nous faire découvrir l'occupation de la Grèce qui est méconnue en France. C'est une partie de l'esprit grec qui transpire de cette bande dessinée adaptée de La Guerre de Petros d'Alki Zei, cette résistance face à l'adversité, ce côté un peu poète, ces discussions politiques sans fin. On ne peut qu'être touché par ce récit, par ces enfants qui tentent de survivre et d'apporter leur pierre à l'édifice de la résistance à l'occupant, par ce peuple naguère conquérant et maintenant vaincu et oppressé qui essaie de ne pas mourir de faim.

Le noir et blanc utilisé pour les dessins colle parfaitement à l'ambiance morose qui est décrite. La technique du lavis permet de rendre les dessins plus touchants et de donner aux visages des expressions plus marquées. Certes, cela manque un peu de chaleur mais le thème de l'histoire réclamait cette touche de froideur apportée par la bichromie noir et blanc.

Cette bande dessinée me donne simplement envie de me plonger dans le livre d'Alki Zei et d'en découvrir un peu plus sur cette période terrible pour la Grèce.