Les Chroniques de l'Imaginaire

Mrs Dalloway - Woolf, Virginia

En cette journée de juin 1923, Clarissa Dalloway a cinquante-deux ans. Elle semble déambuler dans Piccadilly mais elle est en réalité en pleine préparation pour une réception qu’elle va donner le soir même chez elle, avec son mari. On la suit donc à travers ses pensées et ses réflexions tout au long de ce roman qui nous livre les pensées les plus intimes de cette femme, mais aussi des personnes qu’elle va croiser.

Peter Walsh par exemple, tout juste rentré des Indes où il pense être tombé amoureux de la femme d’un autre, et qui est revenu à Londres pour se renseigner au sujet d’un éventuel divorce. Clarissa a failli l’épouser quand ils étaient plus jeunes, mais elle a finalement choisi Richard Dalloway, celui qui est devenu son mari.

On suit aussi les pensées de Septimus Smith et sa femme, Rezia. Septimus souffre d’un syndrome de stress post-traumatique. Il a en effet combattu sur le front français, où il a vu mourir à ses côtés ses amis, avant de terminer la guerre en garnison en Italie, où il a rencontré sa femme. Depuis, il souffre d’insomnie mais aussi d’hallucinations et il songe à mettre fin à ses jours tandis que sa femme, elle, rêve d'avoir des enfants avec lui.

C’est un roman singulier que Virginia Woolf nous livre ici. Ce n’est pas un roman d’aventures, ce n’est pas un roman sentimental — bien que Clarissa s’interroge beaucoup sur ses sentiments et ses choix passés, avec même l’évocation d’un amour adolescent saphique mais sage pour Sally, une de ses amis très libre —, il n’y a pas vraiment de rebondissement mais on se laisse happer par le flot des pensées des différents personnages qui nous permettent de les découvrir de façon très intime et pas toujours flatteuse pour eux.

Cela pourrait être assez déroutant, d’autant plus que la langue et le rythme sont travaillés, voire ciselés pour donner parfois l’impression d’un flot de pensées continu, et pour ensuite évoquer des sautillements d’une idée à l’autre et enfin reprendre une narration plus conventionnelle, mais l'ensemble s'avère très fluide, un peu comme si c'était nos propres pensées que l'on lisait.

Virginia Woolf emploi le point-virgule comme une simple virgule, ce qui s’avère un brin déroutant au début, mais après comparaison avec la partie en anglais, il n’y a rien à redire sur la traduction très soignée de Marie-Claire Pasquier. Celle-ci nous offre en outre une abondance de notes en fin de volume afin d’expliquer moult détails, aussi bien historiques (avec la généalogie royale par exemple) que cartographiques (emplacement des bâtiments évoqués, avec un brin d’histoire architecturale).

Nous sommes donc dans un théâtre. Mais un théâtre intérieur dont nous seuls pouvons lire les pensées de chacun. C’est une expérience très intéressante à tous points de vue même s’il y a très peu d’action, on plonge dans les méandres des réflexions et des pensées des personnages qui forment une toile dense, rassemblée en une seule journée de narration.

Ce fut pour moi une très bonne découverte de l’autrice anglaise que je ne connaissais que de nom. Cette collection bilingue de Folio offre un très intéressant travail de traduction et de présentation qui permet de lire à la fois en anglais et en français certains textes, le tout facilité par la mise en page efficace avec son côté gauche en version originale et à droite son pendant en français.