Patrick vient de quitter Martha. Patrick qui aime Martha depuis qu’il a quatorze ans vient de partir et elle se retrouve presque seule face à elle-même, le détestant pour ce qu’il est, et se détestant pour ce qu’elle est. Car Martha est malade. Malade depuis son adolescence, un trouble mental qui lui pourrit la vie depuis ses dix-sept ans et qui la fait plonger dans des abîmes de tristesse et de dépression avant de la rejeter en vrac sur les rives d’un comportement plus « normal ».
Mais Martha ne se sent pas normale, jamais. Elle aime sa sœur Ingrid qui forme un couple presque modèle avec Hamish, et qui met au monde quatre enfants, au fur et à mesure du récit qui se déroule sous nos yeux. Martha déteste sa mère, sculptrice et alcoolique, qui ne s’est pas occupée d’elle quand elle était enfant et qui a rejeté le diagnostic de la maladie de sa fille en traitant le médecin de charlatan. Elle aime son père, poète raté, qui n’a presque rien écrit depuis des années mais qui s’obstine, chaque jour, à s’asseoir dans son bureau devant une feuille blanche. C’est dans ce bureau que Martha va se cacher pendant une bonne partie de son adolescence pour fuir le monde qui l’effraie.
Il y aura ce premier mariage avec Jonathan — d’une durée record de 43 jours ! —, qui va la laisser amère, puis celui avec Patrick, qu’elle va s’ingénier à gâcher au fur et à mesure que le temps va passer, sans pouvoir s’en empêcher.
On suit donc les tribulations de Martha, jusqu’à ses quarante ans et on assiste au délitement de sa vie avant qu’elle ne tente de la reprendre en main, le diagnostic exact de sa maladie une fois correctement effectué.
Même s’il y a quelques touches d’humour, plutôt féroce, voire cruel, ce n’est pas un roman drôle en tant que tel. C’est le roman d’une jeune femme qui se noie, d’une femme qui ne sait pas comment s’en sortir, qui n’imagine même pas pouvoir guérir ou aller mieux, et qui fait porter le poids de cette maladie sur ses proches et autour d’elle.
Lucide à l’extrême, elle s’en rend compte mais ne parvient pas à empêcher ses comportements et elle les subit autant que son entourage. Elle se déteste d’être ainsi, mais elle déteste aussi les autres, et quand on découvre l’une des causes de cette haine, on ne peut avoir que de la compassion pour cette femme qui a renoncé à son désir d’enfant parce qu’elle se croyait incapable de pouvoir l’élever sans l’abîmer.
C’est un roman très lucide sur les ravages que peuvent faire les maladies mentales sur les gens qui y sont confrontés. C’est vraiment bien écrit, à la façon d’un journal un peu décousu, car parfois Martha évoque des souvenirs sans nous les décrire, ou en ne nous fournissant que quelques bribes qui suffisent, hélas devrais-je dire, à la compréhension globale.
Pour moi, ce n’est pas un roman amusant, même s’il est parfois drôle. Ce n’est pas non plus un roman d’amour, même si elle parle de ceux qu’elle aime ou de ceux qu’elle déteste. C’est autre chose, à la frontière du journal intime et de l’autofiction, qui pourra toucher les lecteurs. Ce n’est pas un roman léger, mais il se lit très facilement, car la plume de Meg Mason parvient à nous retranscrire sans peine les pensées de Martha et sa façon de voir sa vie à travers le prisme de sa maladie.
J’ai beaucoup aimé même si je me suis rendu compte que ce n’était pas une « lecture d’été », de celles qui sont censées nous faire oublier notre quotidien et être assez légères pour nous permettre de nous évader. Le sujet est un peu trop sombre, même si l’histoire se finit bien.