En 1333, au Japon, Hôjô Tokiyuki a dix ans et ne prend pas vraiment au sérieux son entraînement de samouraï. Héritier du shogunat de Kamakura, il s'attend à ne pas gouverner mais à n'être rien de plus qu'une marionnette, comme son père. Ses seuls talents semblent plus utiles voire franchement déshonorants pour un guerrier : la dissimulation et la fuite.
Pourtant, quand son clan est attaqué et qu'il perd l'ensemble de ses proches, ces dons s'avèrent plus qu'utiles. Suwa Yorishige, gardien du sanctuaire Suwa, le persuade de ne pas mettre fin à ses jours, comme le voudrait le code de conduite des guerriers, mais de suivre une route plus longue, celle de la vengeance. Suwa Yorishige est en effet capable de voir le futur et prédit qu'il sera un illustre guerrier.
Ce premier tome nous dévoile une série brutale et loufoque. Les deux sont parfois étroitement mêlés, comme lors des deux grands combats de ce volet, où Tokiyuki affronte un traître et un ennemi un peu moins conventionnel.
Le style des dessins est étonnant. Les visages des protagonistes se déforment exagérément sous le coup de l'émotion et jouent pour beaucoup dans cette atmosphère à la fois drôle et violente. Yorishige en particulier peut arborer un air serein, noble, énigmatique et, l'instant d'après, une expression absolument démente, presque effrayante.
Les dons de Tokiyuki sont plutôt singuliers pour un combattant. Les deux premiers combats nous donnent une idée de la manière dont la fuite et la dissimulation peuvent fonctionner en pleine action. Les possibilités semblent nombreuses et originales.
Cette série s'inspire d'événements historiques... de manière assez libre. Un peu à la manière de jeux de rôle, les personnages ont des fiches de statistiques : attributs spéciaux, niveaux de charisme, de forces. Certaines de ces fiches nous sont présentées entre les chapitres. Les combats eux-mêmes sont présentés comme une sorte de partie dans un jeu lancé par une divinité. Le lecteur moderne est aussi souvent interpellé par Yorishige, indirectement, dont les dons de prescience servent à indiquer comment telle ou telle chose serait considérée dans le futur et donc à faire le pont entre nos deux époques.
En fin de tome, j'ai eu la surprise et la joie de découvrir un dossier historique de huit pages. Bien qu'il soit factuel, il ambitionne clairement à vulgariser certaines concepts et à faciliter la compréhension du cadre historique, politique et social du manga. Qu'est-ce que la voie du guerrier, comment a été créé le shogunat, quels sont les rôles d'un régent, d'un gouverneur... ? Toutes ces rubriques se lisent avec grand intérêt. Le seul point négatif à ce dossier, c'est qu'il a clairement été rédigé - et c'est logique - à destination d'un public japonais. Il part donc du principe que le lecteur aura certaines bases. L'une des catégories traitées commence par exemple ainsi « quand on évoque Heian, on pense tout de suite à une époque pacifique [...]. », ce qui, personnellement, ne me fait absolument penser à rien. Ce n'est pas un frein réel à la lecture mais la marche pour le lecteur néophyte restera un peu haute pour se satisfaire uniquement des informations délivrées dans le dossier.
Pour conclure, ce premier volume de The Elusive Samurai est plaisant à lire, plein de surprises et laisse présager une série emplie de rebondissements.