Les Chroniques de l'Imaginaire

Bella Ciao Istanbul - Fréha, Pierre

Médecin en France, Danilo a un jour choisi de tout quitter pour s'installer à Istanbul. Une ville qui l'a séduit d'emblée et dans laquelle il pensait s'intégrer. Mais il a vite déchanté, confronté à une culture et à un climat politique trop éloignés des siens. Lorsque le roman débute, il s'attire des problèmes pour délit d'opinion. Il réclamait auprès d'un call-center le remboursement d'un billet d'avion qu'il n'a jamais pu prendre car le vol a été annulé. L'énervement montant, des paroles se sont échappées, de celles qu'il ne faut surtout pas prononcer en Turquie. La police est avertie ; le voilà surveillé.

Dès lors, Danilo se méfie. Il ne se sent pas en sécurité. Il parvient à se faire quelques amis en lesquels il place une confiance relative. Il faut dire que même son amie française se montre plus turque que les Turcs eux-mêmes. Comment faire sa place là où le religieux, la politique et les mœurs s'imbriquent aussi étroitement, quand on n'est ni croyant, ni en faveur de la dictature, ni en accord avec le mode de vie indigène ?

Le point de départ du roman est intéressant. Raconter la vie d'un expatrié qui n'arrive pas à s'intégrer. Mais dès les premières pages, on ne sent que de la haine envers ce pays. On se demande ce que Danilo avait en tête en s'y installant tant rien ne trouve grâce à ses yeux. Il habite dans un quartier de "retardés mentaux", critique les Turcs qui se croient plus beaux que tout le monde, ne reconnaissent pas leurs torts, les massacres perpétrés, croient aveuglément en un régime autoritaire, ne s'intéressent pas à ce qui n'est pas Turc, etc. La liste des griefs est longue et s'étend sur les 250 pages du roman.

Je n'ai rien contre les personnages haineux, si tant est qu'ils aient une épaisseur qui permette de nuancer leur caractère, ou du moins le comprendre. Mais Danilo n'est que haine. Il ne semble même pas avoir d'amour envers les hommes qu'il a fréquentés. La lecture n'a pas été laborieuse car le style de Pierre Fréha est plutôt plaisant, le roman se lit facilement, mais elle a été désagréable, car même si les reproches faits à la Turquie sont justifiés, tout ne peut pas être bon à jeter. Ou si c'est le cas, il aurait été bienvenu de voir les efforts d'un expatrié à comprendre une culture qui n'est pas la sienne plutôt que de la mépriser ouvertement en permanence.

Bella Ciao Istanbul est un roman à charge contre la Turquie, sans nuance ni retenue, dont je ne retiendrai de positif que les passages explorant la topographie d’Istanbul et les explications culturelles et historiques.