Les Chroniques de l'Imaginaire

La Ville des histoires (Les enquêtes de John Nyquist - 2) - Noon, Jeff

John Nyquist est en pleine filature quand sa cible, Patrick Wellborn, s’aventure dans une zone trouble d’Histoireville : l’une des cinq tours de la Cité Melville. Là, dans un appartement, Nyquist est attaqué par surprise et va commettre l’irréparable. Bientôt pourchassé dans les couloirs de l’immeuble par un étrange trio, il fait la rencontre de Zelda, une prostituée engagée par Wellborn et qui semble aussi la cible de ses assaillants.

La situation est d’autant plus dangereuse qu’autour d’eux, des voix murmurent et cherchent à les attirer dans les ombres, que le niveau de la sortie disparaît, que d’étranges phrases juxtaposées sans suite logique s’imprègnent d’un puissant pouvoir.

Ce roman nous emmène à la rencontre d’un univers étrange, peuplé d’histoires qui ne demandent qu’à exister et, à la suite d’une série d’évènements, de certains personnages ne demandant qu’à vivre.

Commençons par dire que La ville des histoires est un tome de la série des Enquêtes de John Nyquist mais peut se lire de manière indépendante sans nuire à la lecture : c’est justement ce que j’ai fait !

John Nyquist est un personnage de prime abord peu original, rencontré de multiples fois au fil des lectures : un enquêteur amoché par la vie, solitaire mais au cœur tendre, qui se cherche dans un monde qui ne lui accorde aucune pitié. Zelda, demoiselle en détresse coincée dans une tour, est plus désabusée. De même, on a l’impression de bien connaître les autres personnages, à commencer par Wellborn, et le rôle qu’ils jouent dans l’histoire. Cela pourrait être un défaut dans tout autre roman mais ces éléments viennent ici servir le dessein de l’auteur.

Ce qui m’a marquée dans ce roman, c’est sa capacité à faire coexister plusieurs styles d’intrigue. On a bien entendu une enquête, puisque Nyquist suit à la trace Wellborn, puis tente de résoudre les énigmes qui se posent à lui, et de l’action avec des courses poursuites et même quelques scènes de combat. On a de la romance, à la sauce tragique. On a également et peut-être surtout du mystère, de l’horreur sous plusieurs formes avec un immeuble hanté, un objet maudit, des éléments presque mythologiques. Enfin, il existe une couche plus profonde, une réflexion sur l’acte créatif en lui-même. Avec toutes ces strates et ces registres, la Ville des Histoires est un peu comme le Corps Bibliothèque, livre de bric et de broc au cœur de son intrigue, capable de donner la vie et d’anéantir.

Voie Calvino, place Rabelais, avenue Bradbury, les références littéraires sont nombreuses. Les amateurs se plairont à les repérer et à s’interroger sur les choix effectués par l’auteur. Quoi de plus adapté après tout, que de commencer à décrire une ville fantasque en empruntant la voie tracée par Italo Calvino, auteur des Villes invisibles ? Pour les lecteurs n’appréciant par ce procédé ou n’ayant pas les références en tête, la lecture reste tout-à-fait possible mais La Ville des histoires se destine tout de même aux amoureux des histoires et des processus créatifs.

En conclusion, la Ville des Histoires aura de quoi plaire aux amateurs de contes sombres, fantasques, peuplés d’ombres et de personnages torturés.