Comme précisé en préambule, de par la structure de sa mise en page, l’ouvrage a cette particularité qu’il peut être lu de trois manières différentes. Sur un mode traditionnel, en lisant les pages les unes à la suite des autres ; uniquement via ses pages paires qui évoquent l’évolution du manga et du Japon ou exclusivement via ses pages impaires pour découvrir les portraits des mangakas. Chaque année traitée est l’occasion de (re)découvrir un auteur : du mythique papa d’Astro boy, Osamu Tezuka, en 1952 à Tatsuki Fujimoto, l’auteur de Chainsaw man, pour illustrer l’année 2022.
La contextualisation des créations de mangas, via une présentation des événements culturels et sociétaux nippons, élargit notre perception de la bande dessinée japonaise et de ses acteurs. Elle fait également émerger des questionnements autour des thématiques ou des styles graphiques qui se succèdent à travers les décennies. Junji Itō, un des maîtres du body horror, représente-t-il des mutations et déformations corporelles pour symboliser les conséquences des bombardements de Hiroshima et Nagasaki ? Ou est-il influencé par des œuvres européennes telles La métamorphose de Kafka qui voit son personnage principal se transformer en monstrueux insecte ? Dans un autre registre, on apprend que le style unique de Taiyō Matsumoto, auteur de Amer béton, a été influencé autant par le manga Akira que par les œuvres des Français Moebius et Bilal.
Du boy’s love au récit autobiographique en passant par les robots, l’humour, la culture culinaire, le sport, les récits fantastiques ou les épopées historiques, les grandes thématiques du manga sont représentées. En outre, on apprécie le grand format qui met en valeur les nombreuses illustrations afférentes à chaque page tandis que les différents inserts soulignent certaines informations sans se noyer dans le texte général. A la fois dense et agréable à lire, Histoire(s) du manga moderne est un somptueux ouvrage, tant dans sa forme que dans son contenu qui offre un panorama unique du manga et du Japon. A glisser impérativement sous le sapin des néophytes, des amoureux du pays du Soleil Levant ou des otakus.