Initialement prévus en un seul tome, les meilleurs mangas de Junji Itō comptent désormais une suite. Le maître de l’horreur à la japonaise revient nous hanter avec ses récits empreints d’angoisse poisseuse. Si ce tome 2 paraît moins spectaculaire, il s’inscrit dans une forme d’horreur qui se décline sur un mode plus psychologique.
A mi-chemin entre l’adolescence et l’âge adulte, les personnages du mangaka ne subissent plus un mal venu d’ailleurs mais sont souvent traversés par leurs propres démons. Ainsi, dans La sadique, une adolescente exploite le fort sentiment d’isolement d’un petit garçon qui ne trouve pas d’ami avec qui jouer au parc, devant son nouveau logement. Celle-ci le manipule en lui imposant des jeux pervers, sous peine de ne plus l’accompagner au parc. Des jeux qu’il ne sait pas refuser, par peur de la solitude.
Dans La ville funéraire, un couple en voiture tue accidentellement une femme sur la route et décide de fuir sans avertir la police. C’est alors qu’ils découvrent une ville jonchée de stèles funéraires dressées à l’endroit même des décès des personnes. Mais le fait d’avoir touché la victime au moment où elle rendait son dernier soupir va altérer son repos éternel et perturber le couple. Ici, comme dans d’autres récits de cette anthologie, la culpabilité va faire son œuvre.
A l’instar de Les cous hallucinés, une histoire dans laquelle Oshikiri voit son meilleur ami Nakajima grandir de vingt centimètres en une année et attirer les plus belles filles du lycée. Parce qu’il estime que Nakajima est devenu condescendant à son égard, et par pure jalousie, Oshikiri le tue et l’enterre. Mais quand le jeune homme revient sur les lieux de son crime pour s’assurer de la réalité de la mort de Nakajima, un phénomène inattendu va le submerger. Cette fois encore, la culpabilité sera au cœur du récit.
Dans ce tome 2, il est beaucoup question du rapport au corps, à la beauté, à la mort et au deuil mais aussi aux normes sociales. Comme à son habitude, Junji Itō reste neutre dans sa narration, sans porter de jugement sur ses personnages et leurs comportements. Et pour l’essentiel, il laisse volontairement un espace aux lecteurs qui sont confrontés à des contes macabres ouverts à l’interprétation. Cette liberté d’analyse associée à sa maîtrise scénaristique et à l’instauration insidieuse d’un sentiment de malaise font la force de cette suite anthologique.