Les Chroniques de l'Imaginaire

Aïda - Gerasi, Sergio

Dès la couverture de l’album, Aïda annonce la couleur, dans tous les sens du terme. Tout d’abord, cette sculpture d’art contemporain figurant une main et un majeur levé qui trône bien en évidence au centre de l’image. Une sculpture escaladée par un groupe de jeunes sans doute attirés par ce message explicite adressé au monde. La gamme chromatique choisie est de suite reconnaissable : une palette de tons rose, mauve et violet. Elle se déclinera au fil des pages et du contexte sur des dominantes jaunes et vertes.

Nous sommes instantanément plongés dans le quotidien de l'anti-héroïne Aïda lors d’une séance de photos de rue avec sa meilleure amie Ludo qui s’amuse à shooter les passants, tout en exprimant son dédain à leur égard. Pour Aïda, ces photos sont un matériau qui doit alimenter son mémoire intitulé « Le degré zéro du désespoir humain à l’ère du numérique ». Un programme qui ne s’annonce guère réjouissant, à l’image de ses relations familiales et amicales. Avec sa mère, la communication ne passe plus et Aïda fait tout pour l’éviter en rentrant de plus en plus tard. Et le trio qu’elle forme avec Ludo et Tancrède finit par la lasser. Ludo, narcissique et superficielle, et Tancrède, le fils snob d’une famille bourgeoise qui ne sort pas de sa chambre, lui sont devenus insupportables. Elle-même s’insupporte dès qu’elle se regarde dans le miroir.

Mais sa routine quotidienne est bousculée lorsqu’une nuit, armée de son appareil-photo, elle tombe nez à nez avec de mystérieuses affiches promettant d’offrir du temps aux passants. En suivant des jeunes à proximité, s’adonnant au parkour, elle est loin de se douter que son errance nocturne va la mener jusqu’au quartier général d’un clan d’activistes qui va provoquer la controverse, à mesure que les médias se questionneront sur le sens de leurs actions et leurs conséquences.

Malgré son thème pessimiste, Aïda est un roman graphique haut en couleurs qui fait évoluer son héroïne au fil de ses rencontres pour dépasser son mal-être existentiel. Le récit est bien rythmé et alterne habilement les scènes d’action et de réflexion. Un album qui plaira assurément aux adolescents et young adults qui cherchent leur voie au sein d'un monde complexe.