Les Chroniques de l'Imaginaire

Sirocco - Macaione, Guilio

Mia a dix-sept ans et sait déjà ce qu'elle veut faire de sa vie. Elle a la danse chevillée au corps et rêve d'intégrer l'école de Milan, dont les sélections approchent. Sa professeur de danse ne veut pas qu'elle rate cette occasion formidable. Mais Mia a peur, car cela voudrait dire laisser son père, sa grand-mère et son meilleur ami seuls à Venise.

Le père de Mia, Gianni, tient le café le Sirocco. C'est un homme bon vivant, jovial, amical, qui a mis sa vie intime entre parenthèses pour se consacrer à sa fille. Il tenait à prouver qu'on peut être un bon père en étant homosexuel. Elsa, la mère de Gianni, est un sacré personnage. Indépendante, moderne, elle donne l'apparence d'être forte. Mais sa lutte contre le cancer l'a fragilisée et le vernis qui entoure ses doutes commence à se craqueler. Enrico, son meilleur ami, envisage de laisser tomber l'idée d'entrer en école d'architecture pour pouvoir gagner sa vie et enfin quitter la maison familiale. Mia est l'ancre qui l'empêche de partir au large.

La jeune fille se trouve donc face à un choix : réaliser son rêve ou rester avec les siens. Pour ses proches, la décision est toute trouvée ; elle doit tenter sa chance. Il faut à présent qu'elle se convainque elle-même et ce sont justement ses proches qui vont lui montrer le chemin. Gianni est prêt à remettre sa vie personnelle au premier plan. Quant à Elsa, c'est elle qui va provoquer le plus grand bouleversement en suivant la voie qu'elle avait quittée plus jeune et qu'elle a à cœur de retrouver, sans mot dire, pour se retrouver.

Sirocco est un album magnifique, ne serait-ce que pour ses qualités artistiques. Les planches sont superbes, dans des tons monochromes selon la période racontée (des nuances bleues, puis  jaunes, puis grises). Les personnages et les décors sont dessinés avec précision, ce qui est surtout frappant pour les visages dont les expressions de joie, de tristesse, de choc, de plaisir, etc. sautent aux yeux. Giulio Macaione a un talent incroyable pour donner vie aux corps et aux émotions.

L'histoire n'est pas en reste, bien au contraire. Chacun des personnages principaux est extraordinaire. Ils sont tous très attachants, drôles et entiers, sans qu'aucun ne ressemble à l'autre. On prend énormément de plaisir à les suivre et à les regarder faire des choix. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Choisir c'est renoncer, comme dit l'adage, et Mia, Gianni, Elsa et Enrico doivent faire face à des décisions à prendre, et celles que d'autres prennent pour eux, qui les feront nécessairement quitter le confort rassurant du quotidien. L'escapade d'Elsa est le passage clef et tout ce que cela entraîne pour elle et sa famille est bouleversant. Et follement beau.

Une pépite lue d'un souffle avec grand bonheur.