Brume suivait consciencieusement le souhait de son père d’étudier la musique quand une mélodie étrange, captée par un satellite envoyé dans les profondeurs de l’espace, retentit sur toutes les chaînes d’informations. Subjuguée par ce chant, celle qui n’était encore qu’une fillette s’est orientée vers la science. Les années ont passé. Brume a longtemps étudié les cétacés et créatures maritimes de la Terre et le jour est enfin venu pour elle de prendre son envol vers la planète Nüying, d’où proviennent les mystérieux sons. Elle est prête à tout pour vivre son rêve, y compris couper les ponts avec sa famille, dormir dans un caisson de cryogénisation pendant plusieurs décennies et affronter un environnement hostile.
Jonathan, la soixantaine, magnat de la technologie richissime, finance la première et peut-être la seule expédition vers Nüying. Il appartient à une secte néo bouddhiste et a une conception bien particulière de l’immortalité, qu’il souhaite mettre en œuvre durant le voyage qui devra durer une vingtaine d’années.
William, cybernéticien, accueille Brume sur la station lunaire, avant le grand départ. Bien qu’il se sente attiré par la jeune femme, leur histoire semble condamnée avant même de pouvoir débuter car il sera chargé d’épauler Jonathan dans ses projets et donc restera éveillé sur le vaisseau spatial pendant que Brume sera en dormance.
Dana, cogniticienne et pilote de ce projet de résurrection, est aussi amenée à rester éveillée sur le vaisseau. Ayant grandi sur la Lune, cette perspective ne lui déplaît pas autant que si elle avait vécu sur Terre. Et ce d’autant plus qu’elle part avec sa compagne Meriem et leur fille Anouk.
Les chants de Nüying est un récit choral, qui nous emmène aussi bien aux confins de l’univers que de la nature de l’humanité. Chaque personnage mène en quelque sorte sa propre quête, bien que leurs chemins se croisent et recroisent au fil des péripéties. Les choix qu’ils effectuent face aux mêmes situations sont différents, avec des répercussions positives comme tragiques. Une chose est sûre, les protagonistes de la fin du récit ne sont plus exactement les mêmes que ceux du début de l’ouvrage.
L’intrigue elle-même se découpe en quatre parties, comme autant d’étapes dans le voyage physique mais aussi mental des personnages. Le prélude ouvre l’œuvre sur une note énigmatique et poétique. La première partie, Concordia, se penche sur les préparatifs du voyage. Elle est essentielle pour comprendre le comportement ultérieur des protagonistes comme des personnages secondaires mais m’a, sur le moment, paru un peu longue à démarrer. Puis la deuxième partie, Rêve de lune, nous emmène enfin dans l’espace et donc au-devant des ennuis. Il s’agit d’une des parties les plus philosophiques de l’ouvrage. Les notions d’identité, d’héritage, de transmission et de technologie y sont omniprésentes. Dans la troisième et dernière partie, Qanik, on change quelque peu d’environnement mais impossible d’en dire plus sans trop en dévoiler. L’action y est bien présente et la tension à son comble. Enfin, Coda, court chapitre, entre en résonance avec le prélude et laisse entrevoir les réponses à certaines questions restées en suspens.
Ce roman de science-fiction, même s’il contient de notes d’espoir, est sombre à plus d’un titre. Il plaira particulièrement aux lecteurs pour qui la recherche d’aliens et d’altérité ne passe par nécessairement par un voyage à des années-lumière mais aussi par une réflexion sur soi-même.