Les Chroniques de l'Imaginaire

La fureur des siècles - Heliot, Johan

Nous sommes au début du seizième siècle et François Ier est inquiet. Le roi de France a eu beau dépenser sans compter, ses pots-de-vin n'ont pas suffi à empêcher l'élection au trône impérial de son rival Charles Quint. Les possessions du Habsbourg encerclent désormais presque complètement le royaume de France. Aux abois, François se tourne vers les esprits géniaux qui foisonnent dans l'Italie de la Renaissance. Il invite en France le plus brillant de tous, Léonard de Vinci, et le charge de trouver un moyen de défendre le pays contre ses ennemis. Léonard développe alors la plus extraordinaire de toutes ses inventions : un engin capable de troubler les flots du temps et de créer des bulles uchroniques qu'aucune armée ne pourrait traverser sans perdre la raison.

Cette « furie française », déployée pour la première fois en Savoie, apporte à la France la protection dont elle avait besoin, mais à quel prix ? Le clerc Reginus, embarqué malgré lui dans une folle épopée à travers les frontières temporelles du royaume aux côtés d'un trio de mercenaires mal embouchés, d'un bâtard de la famille Sforza et d'une mystérieuse sorcière, ne va pas tarder à le découvrir.

La fureur des siècles est un roman d'aventures efficace. Son gros point fort est sa galerie de personnages hauts en couleur. Reginus correspond au prototype du jeune benêt qui découvre la vie, mais ça ne l'empêche pas d'avoir un caractère bien trempé et il n'hésite pas à tenir tête à ses compagnons, quand bien même ces derniers sont des mercenaires aguerris. Kostas, Malamorte et le Turc forment une équipe digne des trois mousquetaires de Dumas, liés par une amitié indéfectible malgré leurs différences de caractère. Ils sont aussi attachants que peu recommandables. Maximilien Sforza et l'Ombre apportent quant à eux le quota nécessaire d'intrigue et de mystère pour pimenter le tout.

Scènes d'action endiablées et dialogues pleins d'humour constituent le gros du récit. J'aurais personnellement apprécié un peu plus de descriptions pour m'immerger davantage dans les univers alternatifs traversés par les personnages, mais Johan Heliot arrive tout de même à conjurer un sentiment d'altérité à travers les réactions de Reginus et de ses compagnons aux gens qu'ils croisent, qu'ils soient Gaulois de l'Antiquité ou fascistes du vingtième siècle. Ces uchronies ne constituent d'abord que des diversions sur leur chemin avant qu'un événement perturbateur ne vienne aux deux tiers du récit les plonger pour de bon dans une version alternative particulière du seizième siècle. C'est une structure un peu biscornue et je ne suis pas sûr qu'elle fonctionne au mieux ; c'est en tout cas vers ce moment-là que j'ai un peu commencé à décrocher.

Ce n'est pas pour autant que la fin du livre est mauvaise, au contraire, puisqu'elle dévoile la solution à toutes les énigmes qui se posaient encore et offre une résolution satisfaisante à l'histoire des personnages principaux. Elle reflète bien l'impression d'ensemble qu'on peut avoir de La fureur des siècles : un roman qui, sans être particulièrement mémorable, permet de passer un bon moment si l'on apprécie les uchronies bien ficelées.