Ce soixante-dix-neuvième numéro de la revue Galaxies-SF est dédié à Jean-Pierre Andrevon, titan de la science-fiction en France qui vient de fêter ses quatre-vingt-cinq ans.
Le dossier, coordonné par Jean-Guillaume Lanuque, se compose en majeure partie de témoignages recueillis auprès d'écrivaines et d'écrivains. Les plus âgés, comme Jean-Pierre Fontana, sont des contemporains d'Andrevon et n'hésitent pas à évoquer des souvenirs communs, alors que les plus jeunes, comme Laurent Genefort ou Johan Heliot, l'ont d'abord découvert par son œuvre et décrivent l'influence qu'elle a pu avoir sur leurs propres travaux.
Le principal intéressé a également droit à la parole à travers un entretien-fleuve dans lequel il revient sur sa carrière aussi longue que variée. Il offre également à la revue deux inédits : Une odyssée martienne, joyeux pastiche de Sherlock Holmes à la sauce SF, et une compilation de microfictions percutantes. Des fragments d'une pseudo-encyclopédie andrévonienne venue du futur viennent compléter ce dossier, prétexte à une approche plus thématique de son œuvre. Dans l'ensemble, ce dossier est intéressant, mais il s'adresse davantage aux gens qui connaissent déjà Andrevon. Ce n'était pas mon cas et je regrette un peu l'absence de choses aussi basiques qu'une bibliographie ou un guide de lecture.
La partie « Nouvelles » se compose de cinq textes, dont deux réservés à la version numérique du magazine. Mille marées d'Irène Rodha , arrivé deuxième du prix Alain le Bussy 2022, est une jolie surprise : un récit très doux et poétique tournant autour de l'opposition entre machine et nature, et de la manière de dépasser cette opposition. Une véritable artiste de Ken Liu imagine un futur où l'industrie cinématographique laisse moins que jamais la place à l'être humain dans le processus créatif. C'est une illustration maligne de la métaphore de la saucisse, celle qui dit que quand on aime quelque chose, il vaut mieux ne pas savoir comment c'est fait. L'une des nouvelles du supplément numérique, 8% de mélancolie sarcastique de Marc Séfaris, propose une intrigue très similaire, mais prenant place dans le monde de la littérature plutôt que dans celui du Septième Art. Les algorithmes tout-puissants, sujet à la mode !
Avec S'il n'en reste qu'une, Pierre Stolze propose un hommage malicieux aux contes fantastiques de E.T.A. Hoffmann, dans un futur post-apocalyptique où l'humanité semble réduite à une poignée d'anciens mythes. C'est un peu trop rabelaisien à mon goût, mais ça n'est pas forcément un défaut. Pour finir, le supplément numérique présente Terre promise d'Olivier Deparis, l'histoire du rejeton insatisfait d'une famille de saltimbanques de l'espace. Elle offre des personnages attachants et les descriptions d'acrobaties en apesanteur auront de quoi vous faire frissonner si vous souffrez comme moi du vertige.
Les rubriques éditoriales habituelles viennent compléter le sommaire : chroniques de films par Jean-Pierre Andrevon (toujours lui !), de bandes dessinées par Fabrice Leduc et de livres par toutes sortes de critiques. Pour sa rubrique musicale, Jean-Guillaume Lanuque nous ramène quant à lui dans les années 70 avec une rétrospective de la carrière de Didier Marouani et son groupe Space aux délicieuses sonorités disco.