Les Chroniques de l'Imaginaire

Médecine blanche pour Crazy Horse - O'Brien, Dan

Valentine McGillycuddy est chirurgien pour l'armée américaine, il n'est pas soldat mais à la demande du général Crook il accompagne ce dernier dans sa marche contre les "Hostiles" en vue de combattre et anéantir les Sioux et Cheyennes cachés vers les Monts Bighorn. Mais en ce mois de juin 1876, ce sont les Amérindiens qui surprennent les soldats et anéantissent la troupe du général Custer lors de la bataille de Little Bighorn. C'est la dernière grande victoire des Amérindiens et le début de la traque incessante que vont subir les peuples amérindiens. En 1877, McGillicudy est affecté au camp Robinson dans le Nebraska près de la réserve de Red Cloud, l'un des grands chefs qui a accepté de vivre dans une réserve. C'est là que Crazy Horse décide de se rendre aux soldats pour la survie de son peuple. McGillicudy et lui vont entamer une relation amicale de quelques mois jusqu'à ce que Crazy Horse, qui est soupçonné de vouloir se rebeller, soit arrêté puis ramené au camp Robinson. Dans des circonstances troubles, il est blessé par une baïonnette à son arrivée.

C'est à partir de là que commence le récit de ce roman, McGillycuddy va tenter de tout faire pour maintenir en vie Crazy Horse mais il va se rendre compte rapidement que tout le monde ne veut pas que le grand guerrier survive.

Dan O'brien nous relate les dernières heures de Crazy Horse à travers les yeux de McGillycuddy, personnage qui a vraiment existé. Par de nombreux retours en arrière, il retrace la vie de cet homme que rien ne prédestinait à arpenter les grandes étendues de l'Ouest mais qui aura comme une révélation lorsqu'il les découvrira. C'est une déclaration d'amour à la nature quasi vierge de cette époque et un hommage aux peuples qui ont vécu sur ces terres jusqu'à l'arrivée destructrice de l'homme blanc. Au fil du récit, on comprend mieux le déroulé des dernières années des grandes guerres indiennes et l'issue sinistre qui attend les tribus. Rien ne devait empêcher l'expansion vers l'Ouest et surtout l'appropriation des richesses que recelaient ces terres.

Aux côtés de Crazy Horse agonisant, McGillycuddy réfléchit aux politiques indiennes appliquées depuis des années, au non respect des traités et aux intérêts divergents des soldats, de Red Cloud, du gouvernement. Le pire ennemi se cachant parfois auprès des siens, McGillycuddy et Crazy Horse l'apprendront à leurs dépens. C'est sûrement cet épisode qui déterminera la conduite de McGillycuddy lorsqu'il deviendra agent indien de l'agence de Red Cloud. À défaut d'une œuvre grandiose sur la résistance indienne, nous avons surtout un roman qui décrit avec passion les grands espaces légendaires de l'Amérique, qui nous plonge au cœur de ces paysages et qui m'a donné l'envie irrépressible de les découvrir pour espérer retrouver quelque chose de cette époque. C'est toujours le point fort de ces écrivains américains dits de "Nature writing", cette capacité à nous décrire ce qui les environne avec une telle intensité que l'on a la sensation de s'y trouver avec eux, de ressentir les odeurs et de voir les animaux qu'ils croisent.

On ressent au cours de cette lecture la sympathie que Dan O'Brien a pour les peuples amérindiens et l'on voit qu'il maîtrise son sujet parce qu'il a réussi à nous rendre le plus clair possible la complexité des guerres indiennes. Il retranscrit parfaitement l’ambiguïté de son personnage principal vis à vis des Amérindiens, partagé entre sa nature d'homme blanc et son souci de défendre ses semblables et cette fascination qu'il a pour ces hommes en osmose avec la nature et qu'il veut tenter de préserver en essayant de les convaincre de s'adapter au nouveau monde.

Ce roman est un bon résumé des guerres indiennes et permet de découvrir, pour ceux qui ne le connaissent pas, le personnage extraordinaire qu'était Crazy Horse. Je vous invite d'ailleurs à lire également Crazy Horse : L'homme étrange des Oglalas de Mari Sandoz, beau roman précis historiquement et plein de souffle sur sa vie.