Douze jours à tirer avant la retraite et voilà qu’une succession d’assassinats vient jouer les trouble-fête pour Wu, détective de la police de Taïwan.
Le premier cadavre découvert est celui d’un major de la Marine retrouvé dans sa chambre d’hôtel. Mort d’une balle dans la tempe, tirée de la main droite, tous les éléments laissent à penser à un suicide. Pourtant, quelques points douteux comme une anse de mug tournée à gauche, des plats à emporter et un pack de bières mettent la puce à l’oreille de Wu, persuadé que le marin était gaucher et qu’il avait rendez-vous avec une tierce personne.
Plus troublant, alors que l’armée insiste pour clore rapidement les investigations en classant l’affaire en suicide, un deuxième corps est rejeté par la mer sur la plage d’un district voisin. Entièrement nu, déchiqueté par les écueils, celui-ci porte également la trace visible d’une balle tirée en plein front. Pour Wu, pas de doutes : c’est la méthode des Triades. Cependant, l’absence de tatouages ou de traces d’autres blessures par arme ne collent pas avec le profil d’un membre de la mafia.
Quand la recherche d’empreintes révèle qu’il s’agit du cadavre d’un colonel fraîchement promu du Bureau des commandes de l’armée de Terre, une alerte sonne au même moment au ministère de la Défense : un conseiller en stratégie de la Présidence taïwanaise vient d’être abattu, une balle dans la tête en plein centre-ville de Rome, en Italie ! Plus étonnant encore, le tireur d’élite en fuite à travers l’Europe se retrouve à son tour traqué comme une proie par ce qui semblerait être d’anciens frères d’armes.
Autant de fils à démêler pour Wu qui pressent avoir une véritable conspiration entre les mains, une de celles qui pourrait bien être la plus grosse affaire de sa carrière !
De l’humour, du rythme et une enquête entrecroisant plusieurs intrigues font de ce thriller un roman d’espionnage plutôt agréable, quoiqu’assez déroutant, à lire.
Déroutant tout d’abord parce que l’on comprend assurément pourquoi l’auteur, ou le traducteur, nous offre dès les premières pages une liste détaillée des personnages principaux (« les assassins, les assassinés, les policiers, et quelques autres ») tant il est aisé de s’emmêler les pinceaux avec des noms aux consonnances relativement similaires (Kuo Wei-chung, Chiu Ching-chih, Chou Hsieh-ho, Chen Li-chih, Huang Hua-sheng, Hsiung Ping-cheng, Shen Kuan-chih). S’ajoutent également des surnoms et diverses fonctions associées à chaque profil.
Passée cette difficulté, et les nombreux allers-retours pour savoir qui est qui et qui fait quoi, j’ai dû m’acoquiner avec le nom des différentes armes et un changement récurrent de narrateur. Une fois que j’ai eu pris le pli, je me suis laissée porter par l’intrigue, bien construite, qui serpente entre plusieurs histoires se rejoignant pour ne former plus qu’une au dernier tiers du livre.
Ainsi, contrairement à certains polars, pas de révélations en chaîne tombées comme un cheveu sur la soupe mais un savoureux mélange de réseaux, de trafiquants d’armes, de magouilles, de secrets de famille, de codes de l’honneur et de compromis tacites tissés dans une toile politique plus vraie que nature.
Une recette efficace, où l'auteur nous cuisine certes des ingrédients classiques dans le genre mais lesquels sont délicatement relevés par un fumet exotique que l’on doit notamment à un cadre de concoction dépaysant, des personnalités atypiques (et à une météo des plus capricieuse qui ne facilite en rien la tâche) !
Bref, tout comme son sniper, Chang Kuo-Li possède un coup de main assuré et l’annonce d’une suite disponible chez Gallimard nous indique qu’il n’a pas encore brûlé ses dernières cartouches !