Les Chroniques de l'Imaginaire

Ecce homo - Mordillat, Gérard

Romancier, essayiste et cinéaste, Gérard Mordillat est notamment connu pour ses documentaires historiques Corpus Christi et L’Origine du christianisme. Il poursuit dans cette même veine avec un roman historique dont le titre, Ecce homo (« Voici l’homme » en latin), fait référence à une phrase attribuée à Ponce Pilate, gouverneur romain de Judée, venu présenter Jésus à la foule, couronné d’épines, après sa flagellation.

Au XIVe siècle, alors que d’âpres batailles font rage au royaume de France, une alliance pourrait changer le destin d’une famille. Lucy de Joigny, promise en mariage au baron Denys du marais, et amoureuse du prêtre Henri, se refuse à cette idée mais celui-ci pourrait exproprier la famille de ses terres. Deux mois plus tôt, un trio de brigands qui ont dérobé un suaire figurant le corps de Jésus à Jérusalem auraient trouvé refuge dans une abbaye. Deux moines franciscains, dont l’ordre est partout persécuté, visitent toutes les abbayes de la région pour retrouver le linceul mais celui-ci attire toutes les convoitise.

En 1898, à Turin, la révolte populaire gronde dans un contexte social et politique explosif. Lucia, fille d’un baron monarchiste catholique, s’éprend de son cousin, Enrico, un député républicain. En plein essor de la photographie, elle assiste à la seconde prise de vue du suaire réalisée par le chevalier Secondo Pia dont les clichés suscitent des débats passionnés.

Au XXIe siècle, en pleine pandémie, Lucy, une jeune New-yorkaise ambitieuse, débarque à Paris dans l’intention de réaliser un documentaire sur le suaire qu’elle souhaite au plus près des faits historiques. Elle rencontre Henry, un comédien de théâtre passionné, qu’elle persuade de jouer le rôle d’Henri, d’Enrico… et de Jésus.

Sans doute l’ouvrage, dont le Suaire de Turin est au centre des trois intrigues se déroulant entre la France moyenâgeuse, l’Italie post-unitaire et les États-Unis du XXIe siècle, ferait-il une belle adaptation cinématographique sous le regard d’un réalisateur et d’un scénariste avisés. Malgré le talent certain de conteur de l’auteur qui fournit moult détails historiquement documentés, les multiples intrigues amoureuses pourraient toutefois lasser le lecteur, tant elles s’avèrent convenues et le récit lesté par une écriture tautologique.

Là où Gérard Mordillat se montre peut-être le plus pertinent, c’est dans l’exercice de politique-fiction au cœur de l’administration Trump, voire dans la mise en perspective avec la loi de sécurité globale protégeant l’image de la police française. Ses réflexions sur le pouvoir de l’image et de la foi sont d’ailleurs les points les plus intéressants de l’ouvrage. Sur le même thème, il est également possible de visionner sur Internet le passionnant documentaire Salvator Mundi, la stupéfiante affaire du dernier Vinci réalisé par Antoine Vitkine.