Les Chroniques de l'Imaginaire

Une cosmologie de monstres - Hamill, Shaun

Dans la famille Turner, il y a d’abord Harry, fan de « pulp » et de Lovecraft, et qui dévore tous les livres de fantastiques qui passent à sa portée. Puis il y a Margaret, sa femme qui a renoncé à un mariage avec un jeune homme aisé pour épouser le jeune homme qui travaillait au fast food du coin. Et il y a ensuite leurs trois enfants : Sydney, Eunice et Noah. C’est par la voix du petit dernier, Noah, que nous découvrons l’histoire de cette famille qui flirte avec le surnaturel.

A six ans, Noah se découvre un ami en la personne d’un monstre assez terrifiant qui est apparu à sa fenêtre dans la nuit. On comprend très vite que chaque membre de la famille l’a déjà vu avant lui, et que chacun a tout fait pour l’oublier ou ne pas se retrouver face au monstre. Mais le monstre ne semble pas hostile. Il passe beaucoup de temps avec Noah, dont sa mère ne s’est jamais beaucoup occupé et les deux compères ne tardent pas à nouer une indéfectible amitié.

Mais qui est ce monstre ? D’où vient-il ? Pourquoi s’intéresse-t-il exclusivement à la famille de Noah ? Et où est passé Sydney, qui disparait alors qu’elle n’a que dix-sept ans ? Et la disparition d’autres enfants a-t-elle un lien avec le monstre ?

Le bandeau de couverture du roman annonçait que Stephen King avait adoré ce livre, et comme les goûts de Stephen King et les miens se rejoignent souvent je partais assez confiante dans cette lecture, et je dois avouer que je n’ai pas été déçue.

On s’attache très vite à cette famille et on suit avec plaisir son histoire. Depuis la rencontre des parents jusqu’à la découverte de la Cité, je n’ai pas vu le temps passer et la découverte de la nature réelle du monstre a été un des moments les plus intéressants du livre. Même si l’histoire de la Cité est un peu brouillonne, on comprend que le monde de Noah cohabite avec cet autre monde qui a besoin des humains pour survivre. D’une façon assez horrible, certes, mais l’auteur arrive à nous le faire presque oublier tellement le monstre porte d’humanité en lui.

C’est une histoire familiale, avec ses secrets, ses cachoteries, ses haines et ses amours. Ponctué d’évocations de Lovecraft, on flirte avec le surnaturel mais aussi la maladie mentale et les bassesses du quotidien. La famille de Noah survit en tenant une attraction hantée, où, entre miroir et maquillage, musique lugubre et grincements inquiétants, les faux semblants sont légion et la peur toujours présente, bien que sous-jacente. L’auteur mêle habilement les deux mondes et on se demande souvent à quel point le monstre a influencé les humains dans leur cheminement.

Un très bon livre, où on découvre que la vision terrifiante du monde par Lovecraft n’est définitivement pas morte et qu’elle se déploie sous la plume de Shaun Hamill avec beaucoup de talent. Stephen King avait raison : j’ai beaucoup aimé ce bouquin.