Avec un avertissement « No spoiler ! » (n’ayez aucune crainte, tous les extraits en anglais sont traduits), cette bande dessinée annonce clairement la couleur et donne le ton en nous plongeant directement dans le bain : « On a tout ce que vous pouvez désirer et beaucoup plus encore » !
Que demander de plus lorsque l’on souhaite percer à jour les secrets dissimulés derrière les films cultes de Quentin Tarantino et saisir au plus près l’origine d’un univers cinématographique à la fois fascinant et mystérieux ?
Véritable condensé de talent, de créativité, de génie et d’un soupçon de folie, cet ouvrage fourmille de détails, d’anecdotes, d’extraits d’interviews et de punchlines endiablées pour nous présenter l’un des plus grands réalisateurs américains de notre époque.
Un bijou graphique comme je n’en avais jamais eu entre les mains avec deux-cent-quarante pages, en double face, garnies de dessins variés dans leurs traits et leurs remplissages, alternant tous les styles, parfois en couleurs, parfois en noir et blanc.
Si en apparence l’œuvre semble chaotique, en réalité elle est plus qu’intelligemment organisée. On sent derrière chaque référence l’application minutieuse et rigoureuse d’Amazing Ameziane tant l’angle d’attaque et le travail de recherche associés sur la vie personnelle et le parcours professionnel de Tarantino sont juste… titanesques (voire dantesques) !
Et en même temps, il pouvait difficilement en être autrement pour honorer trente ans de carrière qui ont transformé à jamais le monde du cinéma. Ainsi, pour répondre à la fameuse question « Qui est Quentin Tarantino ? », Ameziane retrace d’abord les méandres de sa biographie avant de reprendre les codes et les histoires du réalisateur (ainsi que ses nombreuses influences y compris celles de collaborateurs qui ont parfois modifié bien des scénarios, exemple avec cette anecdote d’Ennio Morricone qui, ne voulant pas lui créer une bande-son originale, lui refourgue la composition prévue pour un autre film) !
De Reservoir Dogs (1992) à Once Upon a Time… in Hollywood (2019) en passant par Pulp Fiction (1994), Inglorious Basterds (2009) ou encore Django Unchained (2012), on comprend vite que l’aspect autobiographique est essentiel dans l’univers de Tarantino.
Elevé quasiment seul par sa mère, infirmière, à moitié irlandaise, à moitié cherokee, né à Knoxville, qu’il définit lui-même comme un village redneck, il parle très vite pour un enfant de son âge et ses premiers mots sont principalement des jurons (très fleuris et imagés) qu’il aime à dire, assis sur un tabouret de bar, à siroter un jus pendant que son beau-père, Curtis, discute avec des amis musiciens.
Une ambiance que l’on retrouvera régulièrement par la suite à l’écran et qui témoigne qu’il y a donc beaucoup de lui dans chacun de ses films de « gangsters bavards », bourrés de clins d’œil à la pop culture.
De la vulgarité et des crapules qui donnent un ton et une âme (même si, bon, Miramax et son ami Weinstein ne sont clairement pas gages de qualité ces derniers temps), Tarantino commence doucement à se faire un nom dans le milieu mais ça ne lui plaît pas pour autant de voir des gars commencer à fomenter des business plans derrière son dos.
Lui, il est plutôt dans le contrôle : il fixe ses propres règles et a besoin de tout savoir sur ses personnages avant de les projeter sur pellicules. Concernant ses techniques narratives, quoi de mieux comme domaine d’inspiration que des romans noirs bien déjantés façon puzzles dynamités comme Punch Créole signé par Elmore Léonard qui donnera l’adaptation Jackie Brown (1997).
De l’esthétisme et de la violence qui se dégustent à toutes les sauces avec des caméos parfois insoupçonnables dont on aimerait se délecter encore une fois. Mais à ce sujet, Ameziane laisse planer le doute en énumérant vaguement quelques projets de livres, de pièces de théâtre, ou d’un troisième volume de Kill Bill (après ceux de 2003 et 2004).
D’ailleurs, Ameziane lui-même termine ce deuxième opus de sa Ciné Trilogy Serie (le premier, consacré à Martin Scorsese, est paru en 2021) sans nous laisser le moindre indice quant à savoir qui sera croqué dans son prochain et dernier volume à paraître en 2023 !
Pour se consoler, on peut néanmoins s’amuser à essayer de retrouver les références éparpillées sur la couverture (et si vous galérez, promis, les « 47 ronins » sont légendés à la fin de l’ouvrage).
Ainsi, que l’on soit un fan inconditionnel, un pur novice ou même un fervent détracteur de l’univers tarantinesque, cette bande dessinée est déjà en soi un régal pour les yeux. Non seulement elle offre une lecture dense et complète, mais je pense également qu’au-delà d’un très bel hommage elle saura mettre tout le monde d’accord en donnant envie, soit de regarder à nouveau (tous) les films, soit de ressortir un bon vieux pulp, ces magazines bon marché remplis de récits populaires, ou même ne serait-ce que de s’ambiancer comme je l’ai fait pour cette chronique sur la B.O. de Jackie Brown avec le titre très funk Street life de Randy Crawford que je vous recommande fortement !