Les Chroniques de l'Imaginaire

Voudrais-tu me voir ? - Gros-Piron, Charlène

Au collège et au lycée, Naëlle avait le béguin pour Tristan. Hélas, le cancre qu'il était n'a jamais prêté attention à la souris de bibliothèque timide, étouffant dans l'œuf toute idée de rapprochement. Pourtant, ces sentiments ne demandent qu'à refaire surface, comme s'en rend compte Naëlle adulte en recroisant inopinément son ancien camarade de classe. Pour elle, pas question de se laisser perturber par cette attirance indéniable !

Tristan est intrigué. Pourquoi donc Naëlle ne se laisse-t-elle pas approcher, se refermant  son contact ? Ayant le contact facile et l'habitude de plaire aux femmes, l'attitude de Naëlle lui apparait comme un défi. Il se trouve justement que Tristan est le nouveau voisin de Naëlle, ce qui va lui permettre de la côtoyer... mais avec cloison interposée, car la population française est confinée à cause de la Covid !

Voudrais-tu me voir ? fait suite à une autre romance de l'autrice, Si tu me retiens. Cependant, c'est un autre couple qui est à l'honneur, et si on y trouve régulièrement des allusions au passé des personnages qui apparaissent en toile de fond, cela n'est aucunement gênant. Je parle en connaissance de cause, puisque je n'ai moi-même pas lu ce précédent roman.

Le récit a pour cadre le confinement de 2020. De ce fait, pas question d'entrevues réelles, la communication se fait principalement par SMS, par dialogues sans contact visuel sur les balcons, voire par échange de menues choses transitant au bout d'une ficelle... Cela apporte une difficulté, un zeste d'originalité plutôt plaisants. Dans le même temps, cela empêche également la survenue de rebondissements inattendus, laissant un petit goût de pas assez épicé.

Les protagonistes passent beaucoup de temps à échanger sur différents sujets, sujets de société ou au contraire très personnels, se mettant à nu. Le sérieux de ces discussions contraste avec ce que l'on trouve habituellement dans les romances, au ton souvent plus léger. Naëlle aime aller au fond des choses, elle aime partager ses idées, sans les imposer mais tout en sachant que ce n'est pas toujours bien accepté car certaines de ses convictions vont à contre-courant (concernant la sexualité ou la bioéthique par exemple). Tristan lui cache un passé difficile et une mauvaise estime de soi sous un humour permanent mais de façade, et il a beaucoup de mal à supporter les révélations que lui apportent ses échanges avec la belle Naëlle. Pour chaque pas en avant, il fait un pas en arrière, ce qui a le don d'exaspérer Naëlle, qui aimerait savoir à quoi s'en tenir par rapport à son irritant voisin !

Petite touche d'humour avec Germain, le perroquet de Naëlle qui intervient toujours de manière fort indiscrète, ou avec les amis des deux jeunes gens, mais cela reste discret.

La plume est fluide, agréable et on tourne les pages avec plaisir. Je suis un peu dérangée par le fait que les deux amoureux s'appellent souvent par leur nom de famille seul (quand ils sont fâchés mais pas seulement), ou par la façon dont l'autrice les désigne "le fils Moreau" ou "la fille Loison", pour moi c'est un peu vulgaire mais je suppose que c'est culturel et qu'on n'a pas tous la même sensibilité sur ce sujet. A noter quelques rares coquilles par-ci par-là, qui ne gênent pas vraiment la lecture.

Voilà une belle romance contemporaine, douce et tranquille, qui joue avec finesse sur la psychologie des personnages et fait passer un bon moment aux amateurs.