Yôko et Airi voyagent à moto dans un monde dévasté. D'étape en étape, elles suivent l'itinéraire autrefois emprunté par Chiko, la sœur aînée de Yôko. Ses anciens messages sur les réseaux sociaux sont autant de vestiges d'un monde éteint. Yôko compare minutieusement les images à son environnement et tente de se rendre à l'endroit exact d'où ont été prises les photos. Mais les hauts lieux touristiques du Japon ont laissé la place à des villes à l'abandon et, parfois même, à l'océan.
Que dire ? Ce premier tome des promeneuses de l'apocalypse est une vraie merveille. Rien que le titre est un appel à la poésie. Dès le volume ouvert, les décors le sont également. Il se dégage une douce mélancolie des lieux traversés par les protagonistes. Les lieux touristiques du Japon d'antan conservent une beauté bouleversante, presque sereine, malgré les empreintes tenaces de l'apocalypse.
Ces environnements regorgent de détails : constructions délabrées, possessions laissées à la va-vite par les anciens occupants des lieux, vieux prospectus... L'activité humaine passée se retrouve partout. Cependant, c'est bien la nature qui est mise en valeur par le trait soigné de Sakae Saito. Et cette nature est omniprésente, des animaux s'enfuyant à l'arrivée de nos protagonistes aux océans mystérieux en passant par les panoramas à couper le souffle.
On prend grand plaisir à suivre nos protagonistes à travers ces lieux. Yôko et Airi s'avèrent être des jeunes filles particulièrement attachantes, à la fois pleines de débrouillardise pour assurer leur survie mais aussi de naïveté à l'égard du monde qu'elles traversent. Leur gentillesse offre un contraste détonnant avec l'univers dévasté dans lequel elles vivent.
Ne croyez pas toutefois qu'il ne se passe rien dans ce tome ! Loin de là ! Les énigmes sont légion. Si l'on devine que l'humanité a succombé à un conflit d'envergure planétaire plusieurs années auparavant, on ignore tout de la nature réelle de l'apocalypse et combien de survivants elle a laissé. On ne connaît pas davantage les raisons qui ont poussé Yôko à entreprendre ce voyage, hormis peut-être sa soif d'aventure. L'identité d'Airi est elle-même sujette à caution. Les curieuses hallucinations de Yôko forment une énigme de plus : sont-ils des échos du passé, l'effet de radiations, un portail vers une autre réalité ou autre chose encore ?
Les promeneuses de l'apocalypse parvient donc le tour de force d'être à la fois contemplatif et haletant mais aussi tendre et cruel. Il plaira aux lecteurs pour qui post-apo ne rime pas nécessairement avec déprime.