1997. Shannon Moss travaille au NCIS, une agence fédérale américaine chargée d'enquêter sur les crimes impliquant des membres de la Navy. C'est pour cette raison qu'on fait appel à elle lorsqu'on découvre les cadavres mutilés de la famille du Navy SEAL Patrick Mursult dans leur maison. Du moins, en apparence. Car Shannon Moss est également rattachée au NCS, branche de la Navy qui s'occupe des voyages dans l'espace… et dans le temps. Or, Mursult est un ancien d'Eaux Profondes, un programme de voyage temporel top secret du NCS. En fait, il était porté disparu depuis des années, comme tous les membres d'équipage du vaisseau d'exploration temporel USS Balance.
Le mystère de sa réapparition inattendue va entraîner l'agent Moss dans une série d'allers-retours temporels entre 1997 et plusieurs versions potentielles des années 2015-2016. Il s'avèrera lié au Terminus, un phénomène cosmologique inexpliqué devant entraîner la mort de toute l'humanité. Cette apocalypse figure dans tous les futurs possibles explorés par les agents du NCS, et pire : à chacun de leurs voyages, elle se produit de plus en plus tôt… Moss devra dépasser toutes ses limites pour aller au fond des choses, démasquer les assassins des Mursult et peut-être parvenir à empêcher l'avènement du Terminus.
Âmes sensibles s'abstenir ! Toutes sortes de choses très déplaisantes arrivent autour de et à Shannon Moss et Tom Sweterlitsch ne vous épargnera aucun détail dans ses descriptions. Si le gore vous répugne, vous n'irez pas loin dans ce thriller qui s'ouvre sur les engelures, la gangrène et l'amputation de son personnage principal. La débauche de violence est d'une ampleur impressionnante, du simple passage à tabac laissant un œil tuméfié à l'échange de coups de feu mortels entre police et suspects, en passant par les cadavres dans divers états de décomposition, sans oublier l'omniprésent Terminus, dont l'ombre plane d'un bout à l'autre du livre, le genre de fin du monde grand-guignolesque qu'aurait pu inventer H.P. Lovecraft après une soirée trop arrosée chez Jérôme Bosch.
Si vous avez le cœur bien accroché, vous trouverez en Terminus un excellent cocktail de thriller et de hard SF. L'enquête de Moss reprend tous les codes du roman policier moderne, avec son personnage principal attachant mais bien amoché par la vie, ses agents fédéraux et médecins légistes dans tous les sens et ses suspects coincés dans les tréfonds de l'Amérique moyenne de la fin du vingtième siècle. Le style alerte et les rebondissements savamment dosés donnent envie de tourner page après page pour connaître le fin mot de l'histoire, et s'il n'y avait que cela, Terminus serait un honnête roman de gare, du genre qu'on lit sans déplaisir mais qui ne laisse pas une forte impression.
C'est là qu'intervient la science-fiction pour en faire quelque chose de nettement meilleur. Je ne suis pas à même de juger si les mécanismes de voyage dans le temps développés par Tom Sweterlitsch sont scientifiquement crédibles, mais ils sont en tout cas bien conçus et cohérents, avec des implications soigneusement pesées qui servent aussi bien à faire progresser l'intrigue qu'à apporter de la profondeur à cet univers. Les explorations spatiales et temporelles sont le prétexte à de très belles descriptions qui constituent de sacrées bouffées d'air frais entre deux massacres, même si là aussi, la menace n'est jamais bien loin.
Le Terminus constitue une menace de taille, qui rend les enjeux de l'enquête de Moss bien supérieurs à ceux du polar moyen, mais il contribue aussi à donner au récit une atmosphère glauque et oppressante, celle d'un cauchemar dont on n'arrive pas à se réveiller. Sur quatre-cent-cinquante pages, cela devient parfois pesant, et il vaut peut-être mieux éviter ce livre si vous n'avez pas le moral.
Si le gore et l'angoisse existentielle ne vous font pas peur, vous passerez sûrement un bon moment avec Terminus. Il vous offrira à la fois un thriller haletant et une histoire de voyage temporel bien ficelée.