Les Chroniques de l'Imaginaire

Les galaxiales, l'intégrale - Demuth, Michel

Rédiger une histoire du futur est un projet aussi enthousiasmant que téméraire. Bon nombre s'y sont frotté, rares sont ceux ayant pu mener à bien cette tâche herculéenne et Michel Demuth n'en fait pas partie. Sur les trente nouvelles devant constituer son cycle des Galaxiales, il n'en a écrit que les deux tiers entre 1965 et 1979. Par la suite, trop pris par d'autres tâches (traduction, édition), il a laissé cet ambitieux projet de côté et le cycle était toujours inachevé à sa mort, en 2006. Qu'à cela ne tienne : Richard Comballot a réuni quelques-unes des plus belles plumes de la science-fiction francophone pour leur assigner les titres manquants afin de produire cette chimère : une intégrale des Galaxiales intitulée fort logiquement Les Galaxiales, l'intégrale.

Sous une superbe couverture signée Philippe Druillet, le résultat est pour le moins impressionnant, voire massif. La plupart des nouvelles sont d'une longueur significative et le livre atteint presque les 700 pages. Pour un recueil, c'est beaucoup ; peut-être qu'un découpage en deux ou trois volumes aurait été plus digeste. C'est d'ailleurs en deux tomes que les nouvelles écrites par Demuth avaient été compilées pour la première fois à la fin des années 1970 chez J'ai lu.

Les liens entre les différentes nouvelles se situent principalement au niveau de leur toile de fond : il est rare que les protagonistes influent directement sur le cours de l'histoire du futur. Un tableau synoptique au début du livre offre un panorama des principaux événements survenant au cours des vingt siècles séparant L'Été étranger (2020) du Sceau de Syoïse (4000), avec les grandes découvertes qui permettent à l'humanité d'essaimer vers les étoiles, les nombreuses guerres, épidémies et autres catastrophes qui entravent son développement et les différents empires qui se font et se défont avec une belle régularité.

Les premières nouvelles du recueil m'ont beaucoup plu. Plusieurs, comme L'Été étranger ou Les Grands équipages de lumière, sont des textes à chute et Demuth y maîtrise à merveille rythme et structure pour offrir de belles expériences de lecture. La quatrième nouvelle, Mantes, inaugure une série de textes où l'atmosphère prime sur l'intrigue : plus allusifs, plus difficiles à cerner, visant davantage à susciter une émotion qu'à présenter un récit clair. Comme l'éloignement temporel ne fait que croître au fil des pages, je me suis senti de plus en plus déconnecté de ce qui se passait et j'ai commencé à feuilleter le livre davantage que je ne le lisais. Seules quelques nouvelles, comme la drolatique Course de l'oiseau Boum-Boum, ont réussi à piquer mon intérêt par la suite.

J'ai définitivement interrompu ma lecture après Elle était cruelle, la dernière nouvelle écrite par Demuth. J'avais tiqué quelques centaines de pages plus tôt avec Castelgéa, l'histoire d'un soldat artificiel entretenant une relation plus qu'ambigüe avec une petite fille de dix ans, mais dans celle-ci, point d’ambigüité : on a affaire au récit d'une relation pédophile entre un vétéran et une gamine de treize ans maximum, dont le corps et les habits sont décrits avec force détails dérangeants. La consommation de cette relation constitue l'apothéose de ce texte que j'ai terminé en grimaçant. À ce stade, le bénéfice du doute a volé par la fenêtre, et le livre l'aurait suivi si je ne lisais pas en numérique.

Les nouvelles des autres auteurs m'auraient peut-être réconcilié avec Les Galaxiales, l'intégrale, mais après deux textes laissant un goût pour le moins déplaisant en bouche, je n'ai plus vraiment envie de lui laisser sa chance, d'autant que ni l'univers, ni le style, ni quoi que ce soit d'autre n'est suffisamment bon pour servir de circonstance atténuante. Je passe peut-être à côté de quelque chose, mais tant pis.