Quelque part en Afrique s'étend la Vorrh, une grande jungle presque impénétrable et hostile. Peu après la Première Guerre Mondiale, ses alentours ont été colonisés et ont été le théâtre d'altercations avec la population locale.
Williams, un ancien soldat qui vient de perdre sa compagne shamane, confectionne un arc et des flèches avec les os de la défunte avant de pénétrer dans la jungle. Tsungali, naguère policier issu de la population locale au service des colons, est envoyé sur sa piste.
Eadward Muybridge, le photographe, habitué des reportages sur les autochtones, est amené à réaliser des prises de vue bien étranges.
Dans la ville d'Essenwald, démontée pierre par pierre d'Allemagne et remontée près de la Vorrh, un curieux cyclope est instruit par quatre robots jusqu'au jour où une jeune femme trop curieuse rompt son isolement.
Vorrh est le premier tome de la trilogie du même nom. Cette entrée en matière de plus de six-cents pages a de quoi diviser les lecteurs. Du côté des points positifs, on peut citer le fort potentiel de l'univers : une jungle quasiment inexplorée dans un passé colonial alternatif où technologie et magie semblent parfois se mêler.
L'atmosphère est très vaporeuse : les contours de ce monde sont très peu définis ou expliqués aux lecteurs, qui s'y trouvent plongés sans repère. Ce type d'ambiance confère parfois une atmosphère mélancolique et poétique à certains récits. C'est ainsi que la comparaison de l'ouvrage à Gormenghast de Mervyn Peake, suggérée dans l'introduction rédigée par Alan Moore, n'est pas complètement usurpée à mon sens. Quelques passages parviennent en effet à se hisser au niveau de ce chef d’œuvre de la littérature.
Sur une toute autre note, j'ai également beaucoup apprécié la couverture de Jérémy Schneider, avec sa flore luxuriante et colorée mais sombre.
Du côté des points négatifs, la multitude des personnages et des trames narratives pourra égarer les lecteurs qui, comme moi, ont besoin d'une intrigue un peu plus linéaire que ne le propose B. Catling. Baladé d'un personnage à un autre, on peine à comprendre vers où on se dirige et ce d'autant plus que la fameuse jungle supposée être au cœur de l'ouvrage se fait timide dans la première partie. Au terme du récit, l'intérêt de certains pans d'intrigue demeure nébuleux. D'ailleurs, certains arcs narratifs restent plus ou moins indépendants des autres.
Un autre aspect est cependant plus gênant à mon sens : celui de l'opacité des personnages. Par là, je veux dire qu'on ne comprend tout simplement pas leurs motivations. Dès le début, on se pose une multitude de questions sur les raisons qui les poussent à agir et, malheureusement, loin de nous procurer des réponses, l'ouvrage ne fait que soulever davantage de questions à mesure que l'on avance dans sa lecture. Les réactions des personnages sont en outre souvent extrêmes et violentes.
Cela m'amène au gros point noir du récit qui m'a, pour ma part, répugné : l'omniprésence de scènes de sexe violentes. Viols... auxquels la plupart des victimes consentent finalement par renoncement, scènes de sexe d'un très jeune adolescent avec une figure parentale (robotique, certes), appendice de forme exotique...l'auteur se fait plaisir avec des scènes baroques mais tout le monde n'a pas les mêmes goûts. Il y est aussi question d'un fœtus sorti de force du ventre de sa mère et plus ou moins zombie. Bref, vous l'aurez compris, ce genre de choses n'étant pas ma tasse de thé, cela m'a complètement sortie de ma lecture.
Sur une note plus humoristique : je ne suis pas sûre que l'auteur comprenne comment fonctionne l'anatomie féminine. Cela n'était sans doute pas comique intentionnellement mais j'ai beaucoup ri.
Pour résumer, Vorrh est un livre avec un gros potentiel qui pourra plaire aux lecteurs n'ayant pas froid aux yeux et ne redoutant pas une intrigue décousue.