Les Chroniques de l'Imaginaire

Mr Wilder et moi - Coe, Jonathan

Calista va avoir soixante ans, elle vit à Londres avec son mari et ses filles, elle est compositrice de musique de film mais travaille de moins en moins. Alors qu'une de ses filles va partir en Australie et quitter le cocon familial, c'est pour elle l'occasion de revenir sur son propre départ en 1976 à vingt-et-un ans de Grèce pour un voyage à travers les États-Unis. Elle se remémore alors sa rencontre avec Gill, une jeune Anglaise, et ce dîner auquel elle a participé à Los Angeles. Gill devait retrouver un ami de son père qu'elle ne connaissait pas. 

Ce dîner, elle ne le sait pas encore, va changer sa vie, car l'ami en question qu'elle ne connaît absolument pas n'est autre que Billy Wilder, l'un des plus grands cinéastes d'Hollywood. Cette soirée passée en compagnie du cinéaste et d'Iz Diamond, son ami et scénariste de la plupart de ses films, va être étrange pour elle car, abandonnée en cours de dîner par Gill et totalement inculte en matière de cinéma, elle se sent perdue. Mais loin de se moquer d'elle, les convives vont la questionner et se montrer intéressés par ce qu'elle dit, son bon sens. Mieux encore, elle va être prise en sympathie par Billy Wilder et sa femme, finissant même par dormir chez eux pour la soirée.

Peu de temps après, Calista retourne en Grèce où elle retrouve sa vie monotone, ses cours d'anglais donnés à domicile et une existence sans surprise. Ses seuls moments de bonheur sont quand elle compose des petites musiques qu'elle garde pour elle. Toujours marquée par sa rencontre avec le réalisateur, à son retour, elle décide de se documenter sur lui et le cinéma, emmagasinant un maximum d'informations. Mais lors de ce printemps 1977, Mr Wilder va de nouveau débouler dans sa vie inopinément, la production grecque du film Fedora l'appelle pour lui dire que Billy Wilder l'a choisie comme interprète pendant le tournage des scènes en Grèce.

C'est ainsi qu'elle se retrouve à Corfou, à suivre le réalisateur et Iz Diamond, à échanger avec eux et à découvrir les coulisses du tournage d'un film hollywoodien qui semble être le chant du cygne de Billy Wilder.

Cette lecture m'a enchanté, le ton léger, drôle, l'élégance de l'écriture ont fait que j'ai dévoré le livre. C'est beau, rafraîchissant, plein d'insouciance, véritablement charmant. Les dialogues sont mordants et l'histoire touchante, et même si la mélancolie pointe parfois le bout de son nez au cours du récit, on ressort de cette lecture le sourire aux lèvres.

Jonathan Coe ne s'est pas contenté de nous raconter le tournage d'un film, il nous parle surtout de Billy Wilder, de sa vie, de son cinéma et des raisons qui le poussent à aller jusqu'au bout de ce film. Car cette histoire de star de cinéma qui se retire du monde n'intéresse plus vraiment personne à une époque où les cinéastes du Nouvel Hollywood sont en vogue, où Les dents de la mer ont fait un carton dans le monde, où Francis Ford Coppola et Martin Scorsese ont tourné leurs premiers chefs d’œuvre. C'est la fin d'une époque et le début d'une nouvelle ère. L'auteur rend un hommage au réalisateur et l'on ressent dans son écriture toute l'admiration qu'il a pour le cinéaste et pour l'homme. Même s'il ne nous cache rien des exigences du metteur en scène, l'homme est tout autre et c'est là l'intérêt aussi de l'histoire. On y découvre le passé de Billy Wilder qui a façonné sa carrière et influencé son cinéma.

Ce livre permet aussi de décrire les coulisses d'un tournage, de découvrir les anecdotes jalonnant la genèse du film et les péripéties qui ont conduit le réalisateur à chercher des financements là où il ne le voulait surtout pas. Le personnage de Calista permet à l'auteur de dérouler le fil de la vie de Billy Wilder, de le faire parler, de le raconter. De nombreuses scènes du livre sont savoureuses, très cinématographiques et dignes des comédies du réalisateur.

Alors si vous ne connaissez pas Billy Wilder, si vous voulez découvrir la fin d'un certain cinéma en décalage avec son époque, et participer au tournage d'un film qui deviendra un chef d’œuvre, je vous invite à ouvrir ce livre et à vous plonger dans cette histoire qui vous fera sortir de cette lecture avec un peu plus de joie au fond du cœur. Si vous terminez cette lecture sans avoir envie de voir le film, c'est que vous êtes passé complètement à côté du livre.