Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 224)

Ce numéro de la revue québécoise est spécial en ce qu'il commémore le 125ème anniversaire de la parution de La Guerre des mondes, le célèbre roman de H.G. Wells. Le volet Fictions présente dix variations sur ce thème, signées de dix auteurs et autrices, classées par ordre alphabétique :

Démons de plastique, de Josée Bérubé : Quelque chose a mal tourné au cours d'une mission d'examen d'un artefact sur Mars, et Enyo est revenue sans équipage et sans mémoire. Pour les scientifiques dont la fille était à bord, c'est insupportable. Une ambiance XIXe siècle très réussie pour cette nouvelle, qui parvient cependant à aborder les problématiques actuelles.

Le monde de l'après-guerre, de Geneviève Blouin : Dans cet univers où les femmes n'ont que le droit de se marier et de se taire, Melle Rioux aime son travail de journaliste, trop pour le confort du rédacteur en chef. Mais elle estime de son devoir d'informer le public de la véritable menace qui vient du ciel. Une uchronie très sympa, avec un petit air de Don't look up...

Souvenirs de luminescence, de Célia Chalfoun : Sur Singh, il n'y a pas d'oiseaux, et Zain ne peut y emmener les étourneaux qui lui sont chers, mais ce sacrifice ne lui pèse presque pas face au plaisir de revoir Jhansi. La découverte du mumura, aussi, est fascinante. Une nouvelle imaginative de mondes où tout peut communiquer.

Accord de principe, de Sébastien Chartrand : Après-guerre, là aussi, du moins en ce qui concerne Mars, car nous sommes début août 1914, et cette Histoire est la même que la nôtre... sauf que la tentation de la technologie martienne est partagée par tous les belligérants. J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, à l'univers bien construit, et dont la fin est (si l'on peut dire) glaçante.

Puis vint le silence, de Christian Léourier : La Guerre des mondes n'a pas eu lieu. D'ailleurs, il n'y a jamais eu de vie sur Mars. Le gouvernement britannique en a ainsi décidé, et le narrateur a déjà payé cher sa foi en des souvenirs d'horreur. Une nouvelle méditative sur la labilité de l'Histoire.

Chroniques d'exil, de Josée Lepire : Observer Mars blanchie par l'attaque terrienne est à la fois ennuyeux et désagréable. Aussi LAälu se laisse-t'il distraire. Courte nouvelle où l'on voit l'après-guerre du côté martien, pour changer. C'est sympa, et la chute est bonne.

Rêves de Mars, d'Yves Meynard : En visite avec sa famille à Arès-Park, au Nouveau-Mexique, le petit Lucas Morrow est enlevé. Une guerre vraie passée, une fausse et peut-être une vraie à venir... Voilà une histoire à tiroirs que j'aurais personnellement aimée plus développée.

L'envol des narcissiques, d'Andréa Renaud-Simard : La narratrice ne peut pas oublier ceux qui sont partis coloniser Encelade en l'arrachant aux Martiens présents sur place. Une revanche après l'invasion de la Terre par les Martiens. Mais les nouvelles de l'expédition se sont taries, cependant que Mars aidait la Terre, et y envoyait de nouveaux habitants. Voilà une excellente nouvelle, complexe et originale, l'une de mes préférées.

La guerre des mots, de Jean-Louis Trudel : Paul aurait dû se douter que son roman, La Guerre des mondes, déplairait à Météorite, la néo-martienne qui l'a créé. Mais il n'avait pas prévu la réaction de Gail, l'humaine avec laquelle il vit. Une autre excellente nouvelle, très intéressante, avec une touche d'humour, et qui étudie savamment la complexité des rapports entre envahisseurs et envahis.

Les Chevaux de Troie, d'Elisabeth Vonarburg : Cassie est à l'infirmerie après son accident à la surface de Mars, ça semble un bon moment pour communiquer avec elle, d'autant qu'elle est sous calmants, et qu'elle n'a pas encore renoncé à se rappeler sa "mort" à la surface. Cette délicieuse nouvelle pleine d'humour piquant est un hommage et un clin d'oeil autant à Giraudoux qu'à Wells et Homère.

Thème global du numéro de Solaris oblige, Les Carnets du Futurible de Mario Tessier ont aussi une tournure belliqueuse, ils sont en effet intitulés La Troisième Guerre mondiale, ou les mondes en guerre. L'auteur explore la façon dont la littérature, puis le cinéma ont mis en scène les guerres d'invasion, et en règle générale les guerres du futur.

Ce numéro de la revue étant déjà plus "copieux" qu'à l'accoutumée, il ne comporte pas de partie Critiques. Nul doute que le prochain compensera ce manque !