Personne n'a pu manier l'épée d'Uther Pendragon depuis sa mort, et de ce fait personne ne règne sur le royaume de Logres. A la grande déception d'Arthur, et à celle de son mentor Merlin, il n'y parvient pas non plus. C'est Morgane, la fille légitime d'Uther et amante d'Arthur, qui retire l'épée, et devient la nouvelle reine de Logres. Toutefois, les autres Couronnes ne sont pas toutes prêtes à plier le genou devant une jeune fille inconnue, qui n'a pas encore fait ses preuves, et n'est même pas encore chevalière. Morgane va devoir partir en guerre contre celles qui considèrent Logres comme un territoire à prendre.
Dans ce conflit, elle est soutenue notamment par la Couronne du Kent, représentée à la Table des Epées instituée par la reine, par Tate, fervente adepte de la nouvelle religion qui se développe dans l'île, en parallèle de celle de la Déesse, toujours majoritaire. Morgane est également soutenue par le Royaume Immobile, régenté par le Roi Pellès, dont la fille, Elaine, siège également à la Table. Lors d'une entrevue avec Pellès après la guerre, qui a vu la magie de Merlin être d'une grande aide lors d'une bataille, Morgane accepte le retour de la Faërie dans son royaume.
Le mariage de Morgane avec Guenièvre, outre le bénéfice politique qu'il apporte par l'alliance avec la Couronne de Carmélide, est aussi un mariage d'amour, même si Morgane porte l'enfant d'Arthur, et que Guenièvre sera bientôt enceinte de Lancelot. Les deux reines sont une force avec laquelle il faut compter, et pendant des années tout ira bien dans le royaume de Logres. Malheureusement, le successeur de monseigneur Augustin, qui était à la tête des chrétiens du royaume, semble bien décidé à se montrer plus intolérant vis-à-vis de la religion de la Déesse.
Fallait-il vraiment une réécriture supplémentaire du mythe arthurien ? Partant du principe que ce sont les vainqueurs qui écrivent l'Histoire, et que la religion de la Déesse a indubitablement été vaincue, avec les conséquences sociales entraînées par la prédominance d'une religion patriarcale particulièrement intolérante, l'auteur imagine une version du mythe où les femmes ont un autre rôle que celui de damoiselles en détresse, ou de sorcières malfaisantes, et sont en situation de pouvoir, même si l'une d'entre elles a effectivement été assassinée.
Il réussit parfaitement à raconter les épisodes connus des lecteurs sous un autre angle, en réussissant même à intégrer harmonieusement un autre mythe littéraire, celui de Tristan et Yseut, dans cette histoire. C'est bien fait, et je me suis dit souvent que c'était un vrai tour de force. Par ailleurs, la prise de pouvoir spirituelle et matérielle accomplie progressivement par la religion chrétienne est à mon sens fort bien représentée, et expliquée dans le cas de Bisclavret ou d'Arthur, avec les allers et retours vraisemblables d'une foi à l'autre.
Malheureusement, mon appréciation est restée le plus souvent intellectuelle. Je ne suis pas arrivée à m'attacher aux personnages, et l'intrigue est passée trop vite pour moi. Ce qui ne m'a pas aidée est le fait que la lecture sur liseuse rend plus compliqué le report à la carte et à la liste de personnages toutes deux fournies en début d'ouvrage, et qui sont vraiment nécessaires pour suivre les intrigues politiques. Il est probable que quelqu'un lisant la version papier n'aurait pas ces mêmes difficultés.
En somme, mon avis est en demi-teintes. Je pense toutefois que ce roman est intéressant, et pourra tout à fait séduire d'une part les curieux d'une version "féministe" de la légende arthurienne et d'autre part des lecteurs qui n'en auraient pas déjà lu une quantité d'autres versions.