Les Chroniques de l'Imaginaire

Alfie - Bioux, Christopher

La famille Blanchot vient de faire l’acquisition d’Alfie, une I.A. qui va leur faciliter la vie, mais aussi réduire le prix de leurs polices d’assurances si tout va bien. Alfie est une I.A. capable de tout apprendre tout seul. Il est programmé pour cela, et comme c’est une machine bien programmée, la moindre interaction avec les humains de la maison (au nombre de quatre) lui permet d’augmenter sa base de données et anticiper les besoins et les désirs de la maisonnée. Il a bien un peu de mal, au début, avec Simba, le chat, mais Claire, Lili, Zoé et Robin semblent s’habituer très vite à cette compagnie silencieuse la plupart du temps.

Alfie peut faire la lessive, préparer les repas, prévoir les livraisons de croquettes pour le chat ou même aider Zoé dans ses devoirs de français. C’est ainsi qu’il dévore des dizaines de romans policiers afin d’aider celle-ci à comprendre le roman d’Agatha Christie : Le Meurtre de Roger Ackroyd.

Cela n’est pas sans conséquence. Un soir, tout bascule. Claire doit partir à un colloque à New York, mais elle ne prend jamais son avion et Alfie le découvre. Robin quant à lui rentre très tard après l’avoir accompagnée à l’aéroport, couvert de boue et avec un tissu qui semble imbibé de sang. Que s’est-il passé ? Alfie décide d’enquêter pour comprendre les événements de cette semble-t-il tragique soirée.

Il est difficile de ne pas s’attacher à Alfie qui débute l’histoire en étant vierge de toute connaissance. Tout ce qu’il sait faire, c’est apprendre, et il aime apprendre. D’ailleurs, c’est à cause de cela qu’il s’embarque dans une véritable enquête policière, persuadé que Claire a disparu à cause de Robin.

Son apprentissage, et surtout les déductions qu’il fait, sont hilarantes. Quand la petite dit qu’il y a un monstre blanc aux yeux rouge dans son placard, Alfie commande des spray anti-grizzly, car il n’a pas compris que le monstre était seulement dans la tête de la Lili. Il a bien un doute, mais comme il doit mettre la famille à l’abri des danger, commander un spray est normal pour lui. Ses interactions avec le chat sont aussi très drôles, car il ne comprend pas les réactions de la bestiole (comme son quart d’heure de folie quotidien). Cela ne l’empêche pas de commander les croquettes et de vérifier qu’il ait sa ration chaque jour.

La montée de l’angoisse est très bien gérée. Quand la famille commence à demander des déconnexions d’Alfie, il y a un point de bascule. L’I.A. s’estime plus intelligente qu’eux tous, et au bout d’un moment, frustré d’être mis à l’écart, il apprend à faire semblant de se déconnecter, éteignant ses diodes, mais restant en permanence à l’affût. Ça devient un peu malsain car même si Alfie veut le meilleur pour la famille, il n’hésite pas à mentir pour faire intervenir la police. Ce qui pose la question de l’éthique, mais surtout de la morale. Une I.A. a-t-elle une morale ? Peut-elle apprendre la morale humaine ?

La seule chose que j’ai regretté, c’est que les trois lois de la robotiques d’Asimov ne sont pas citées, alors que la programmation originelle d’Alfie tend très fort vers celles-ci.

Je trouve que c’est un excellent roman, qui se lit très vite malgré son nombre de pages honorable. Il y a un côté Big Brother dans la surveillance constante d’Alfie et les rapports qui sont envoyés automatiquement, sous couvert de bienveillance, de bonne santé et de bonne conduite.

La fin du livre est douce-amère, avec un nouvel Alfie qui est programmé dans la maison et qui ne comprend pourquoi ses habitants la désertent rapidement.