Les Chroniques de l'Imaginaire

Impossible - Luca, Erri (de)

Alors qu’il arpente un sentier escarpé des Dolomites, en vue d’escalader un pan de montagne, le narrateur se voit contraint de rebrousser chemin suite à des éboulements. 

Soudain, quelque chose attire son attention : des vêtements au milieu des rochers. Il saisit ses jumelles et distingue ainsi le corps d’un homme qui gît en contrebas du précipice. Dès lors, il donne l’alerte et se voit considéré comme l’unique témoin de l’accident.

Or, les deux hommes ne sont pas des inconnus. Membres du même groupe révolutionnaire armé quarante ans plus tôt, la victime avait livré le narrateur et tous ses anciens camarades à la police en vue d’obtenir une réduction de peine puis une remise en liberté sous garantie d’anonymat.

Tragique coïncidence ou meurtre prémédité ? Témoin ou coupable ? C’est ce que doit parvenir à statuer un jeune juge d’instruction, à travers un interrogatoire qui prend parfois la forme d’un long débat platonicien. Et pour tenter de démêler les nœuds, ce dernier n’hésitera pas à prêcher le faux pour obtenir un semblant d’explication à défaut de preuves solides et concrètes.

Un très beau (et court) roman philosophique qui nous plonge en pleine introspection autour d’idéologies personnelles chères à l’auteur : la liberté, la justice, l’intégrité, l’engagement politique et cette impossible vengeance au cœur d’une trahison et d’un temps révolus.

Alternant tantôt la forme d’un dialogue vif, entrecoupé de questions-réponses répétitives, typiques des gardes à vue, et celle d’une lettre, plus intime et confidentielle, que le narrateur adresse depuis sa cellule à une femme affectueusement nommée "Ammoremio", Erri De Luca nous raconte une histoire. Une de celles qui peut trouver écho en chacun de nous.

C’est étrangement assez facile à lire, malgré des tournures d’esprits parfois poussées et alambiquées. Je me suis souvent demandée comment le narrateur allait faire pour s’en sortir. Enfin même s’il allait tout simplement s’en sortir !

J’ai beaucoup aimé la manière dont le juge et le narrateur échangent, comme une joute verbale entre deux générations, où tour à tour ils dévoilent, avec malice et respect, des traits de leurs caractères qui suggèrent de nouvelles pistes de réflexions et relancent les dés.

En revanche, petite pointe de déception là où je m’attendais à davantage de descriptions concernant la nature et plus particulièrement la pratique de la marche et de l’alpinisme. La montagne et ses paysages sont plutôt relégués en arrière-plan et servent uniquement de cadre à l’intrigue, bien que l’on devine qu’il s’agit là d’un élément dans lequel l’auteur semble être tout à son aise.