Cette BD n’est pas une BD ordinaire. Il n’y a pas d’histoire à proprement parler, même s’il y a un fil conducteur qui nous guide d’un bout à l’autre des 128 pages de l’ensemble. En effet, cette BD s’attaque à un tabou de la société : la pénétration anale masculine. Difficile donc de raconter une seule histoire, les auteurs ont donc décidé de raconter des histoires. Des petites histoires sous forme d’interview de quatre intervenants.
Mais il y a tout d’abord Eddy, qui est le Monsieur Loyal tout au long du livre. Il est donc la parole de tous ceux qui ont été interrogés, mais aussi il donne les informations tirés de livres, de site internet, de forum ou de revues scientifiques.
Johakim est un macho impulsif, qui n’imagine même pas qu’une pénétration anale soit possible et souhaitable sans perdre sa virilité.
Gaëtan, lui, est un chrétien évangélique très curieux. Qui se pose beaucoup de questions. Et n'hésite pas à tenter des choses.
Alissa est une féministe engagée.
Et Merwan est un homosexuel « peu commun ». On apprendra au fil des pages que la pénétration, ce n’est pas son truc. Mais que pour lui, ce n’est pas grave, car il y a des tas d’autres façons de s’amuser au lit.
Une fois les présentations sommaires faites, on s’attaque au sujet. Des données historiques, des données statistiques, mais aussi des données physiologiques puis la partie sur les tabous. On y apprend énormément de choses que ça soit au niveau statistique (59% des hommes interrogés ont déjà été pénétrés d’une façon ou d’une autre par une partenaire féminine), ou des tabous (se faire pénétrer, pour un homme non gay, cela peut signifier une perte de sa virilité par exemple).
Les chapitres suivant s’attardent sur les différents parcours des intervenants. Avec le contexte social dans lequel ils ont grandi ou qu’ils vivent, un événement marquant (par exemple pour Johakim c’est découvrir l’homosexualité de sa mère, qui sera plus heureuse avec sa compagne qu’avec son père), et le rejet par la suite.
Ces biographies sont différentes mais peuvent toucher tout le monde. Alissa, par exemple, a longtemps cru que le sexe n’était pas pour elle, à cause d’un problème physiologique ignoré. Et chaque histoire montre des situations que n’importe qui peut avoir vécu, ou simplement avoir été témoin.
Merwan, lui, raconte la difficulté d’aimer les garçons dans un monde où c’est encore tabou. Mais aussi la difficulté de s’accepter en tant qu’homosexuel qui n’aime pas être pénétré.
Un chapitre 10 consacré à « l’éducation sexuelle », avec la notion de consentement, des témoignages mais surtout la définition de rapports sexuels. Qui ne se limitent - heureusement pas ! - à la simple pénétration.
J’ai trouvé cette BD très intéressante pour tenter de déconstruire les idées sur la pénétration anale, car elle ne fait pas de prosélytisme. Elle explique, de façon assez didactique, ce que c’est exactement, ce que ça implique aussi, que ça soit du point de vue physique, ou sociologique voire historique. Le tout avec respect. On y trouve aussi le lien avec les combats féministes et j’ai trouvé ça très intéressant.
Si vous voulez en savoir plus sur le sujet, toutes les sources qu’ils ont utilisées sont indiquées à la fin de l’ouvrage, ainsi que le fac similé d’un tract expliquant comment essayer d’avoir un orgasme prostatique.
Je n’ai globalement pas trop accroché à l’humour utilisé, mais j’ai trouvé amusantes certaines réactions des personnages. J’ai surtout trouvé intéressante la façon dont le sujet est abordé, sans langue de bois, en utilisant un langage clair — limite utilitaire parfois —, et avec des croquis efficaces.
C’est une BD que tout le monde peut lire, ne serait-ce que pour lever le tabou qui pèse sur cette pratique, ou bien encore faire comprendre qu’aimer cela, non, ce n’est pas être homosexuel ou inférieur aux autres « mâles ».
C’est en écrivant cette chronique que je me suis rendue compte qu’il manquait quelque chose que je trouve assez essentiel dans ce genre d’ouvrage : un sommaire. En effet, une fois l’ouvrage lu entièrement, il faut le feuilleter à nouveau pour retrouver le ou les chapitres qui nous intéressent. C’est un peu dommage pour une BD documentaire !